Parce qu'il y a urgence à désencombrer les urgences, chacun doit être conscient des causes qui nécessitent une consultation à l'hôpital. Et pour les maux relatifs et les petits bobos, il existe désormais des permanences médicales.
Déjà six mois que les urgentistes sont en grève. Sur les 478 services publics du territoire, 217 tournent au ralenti depuis plusieurs semaines. Cette crise est la conséquence d'un système à l'agonie que le gouvernement peine à réformer. Désengorger les hôpitaux doit donc être une priorité. Et ce dessein passe d'abord par une responsabilité personnelle. En effet, les patients sont les premiers à pouvoir agir en limitant leurs allées et venues au sein des antennes d'urgences. Quand faut-il vraiment s'y rendre ? Quelles sont les alternatives de soins ? On a rencontré les docteurs Massad et Ingrassia pour faire le point.
Quand faut-il se rendre aux urgences ?
En vingt ans, la population prise en charge aux urgences est passée de dix à vingt et un millions… Une affluence record que constate chaque semaine le Dr Ingrassia, urgentiste depuis trente ans : « Au moins 75 % des patients se retrouvent aux urgences pour rien. Le Samu n'assure plus son rôle de régulateur et nous sommes obligés de recevoir tous les gens qui veulent être soignés vite. Nous sommes devenus un self-service médical ». Visiblement très passionné par son métier, il se désole toutefois de recevoir des patients qui viennent « parce qu'ils se sont coupés avec une enveloppe ». Il faut dire que la notion d'urgence échappe à beaucoup et une petite piqûre de rappel s'impose.
Comme l'explique très clairement le médecin, « l'urgence se caractérise lorsque le pronostic vital est engagé (5 % des cas environ) ou que l'état du patient nécessite une prise en charge rapide ». C'est le cas, par exemple, de la traumatologie, des douleurs intenses (notamment thoraciques et abdominales), de la paralysie ou encore des infections avec une fièvre persistante. Au-delà de ces circonstances, le Dr Ingrassia insiste : « Il faut d'abord consulter son médecin traitant et si ce n'est pas possible, appeler le 15 ».
Des permanences médicales comme intermédiaires
Pour soulager les hôpitaux, une alternative intéressante existe : les permanences médicales d'urgence. Comme des cabinets libéraux, elles accueillent les patients sans rendez-vous chaque jour de la semaine et jusqu'à tard le soir. Le Dr Massad, généraliste depuis six ans, en tient une à Marseille. « Nous sommes une solution intermédiaire entre le médecin traitant et les urgences. C'est une sorte de succursale où l'on prend en charge les cas de gravité modérée », explique-t-il. Ici, les médecins sont donc capables de traiter les crises d'asthme, les entorses et les fractures, de faire des sutures, des électrocardiogrammes, de soigner les brûlures ou encore de réaliser des pansements. Ils peuvent également mettre en place une surveillance des patients durant quelques heures, afin de les transférer à l'hôpital si nécessaire.
Impossible de savoir combien de centres de ce genre ont déjà fleuri en France mais le phénomène se propage de plus en plus. Le hic, c'est qu'ils peuvent aussi avoir un effet pervers. La tentation de remplacer son médecin par ces structures existe, mais comme le précise le jeune praticien : « On n'est pas là pour se substituer aux médecins traitants. On reçoit une cinquantaine de patients par jour, nous n'avons pas le temps de faire de la médecine préventive. Nous sommes là pour dépanner dans l'urgence », regrettant d'ailleurs de ne pas toujours avoir de retours de la part des patients une fois qu'ils ont quitté la permanence.
Autre problème, ces centres peuvent également « alimenter le besoin de consommation des gens », comme le souligne le Dr Ingrassia. S'il reconnaît qu'ils sont l'avenir de la médecine généraliste, il craint que ce système « pousse les patients à consulter davantage sans raison valable ». De quoi creuser un peu plus le trou de la Sécurité sociale puisque les prestations sont, bien sûr, remboursées…
Vers un forfait payant ?
S'il y a bien un point sur lesquels les docteurs Massad et Ingrassia sont d'accord, c'est sur l'instauration d'un forfait payant pour les patients qui se rendraient aux urgences pour rien, sans pour autant remettre en cause la prise en charge. « L'idée c'est d'imposer une somme symbolique pour ceux qui viennent pour un rhume ou un renouvellement d'ordonnance par exemple. La gratuité déresponsabilise les patients », justifie le généraliste. Même son de cloche du côté de l'urgentiste : « L'hôpital, ça coûte cher, c'est de l'argent public qu'on ne doit pas dépenser n'importe comment ». Voilà qui est dit.