Longtemps fantasmée, la thérapie par cellules souches est sur le point de devenir une réalité. Pionnier de la thérapie régénératrice cardiaque, l'entreprise française de biotechnologie médicale Cellprothera pourrait mettre un nouveau traitement révolutionnaire sur le marché d'ici trois ans.
Véritable espoir pour de nombreux patients, les cellules souches, ces cellules indifférenciées capables à la fois de se diviser en cellules mères identiques et de générer des cellules filles spécialisées, permettent de régénérer des tissus endommagés jusqu'alors impossibles à réparer. Présentes chez tous les êtres vivants multicellulaires, elles possèdent de nombreuses applications en médecine. Alors que la recherche sur les cellules souches avance à grands pas, la société alsacienne Cellprothera a mis au point une technologie permettant de les multiplier à partir d'un simple échantillon sanguin, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle forme de thérapie sur le point de transformer radicalement la manière de traiter plusieurs pathologies, et notamment les lésions du myocarde. Matthieu de Kalbermatten, son directeur général, nous en dit plus.
Quelle est la technologie mise au point par Cellprothera ?
Notre entreprise a conçu un dispositif médical unique au monde, le StemXpand, un automate qui permet de produire un biomédicament à base de cellules souches, obtenues à partir d'une simple prise de sang. Il s'agit de cellules autologues CD 34+, des cellules multipotentes non différenciées qui peuvent remplir différentes fonctions et qu'on retrouve, entre autres, dans les vaisseaux sanguins, le cartilage, les os ou encore le foie. Développée depuis près de dix ans, cette méthode limite les interventions humaines pour éviter les éventuelles erreurs afin de produire dans les conditions les plus stables possibles.
Comment fonctionne le traitement ?
Nous commençons par un prélèvement sanguin du patient de 200 ml, qui va être préparé en salle blanche avant d'être mis en place dans notre machine. Nous séparons alors les cellules souches qui nous intéressent des éléments sanguins n'ayant pas d'utilité pour le traitement. Une fois sélectionnées ces cellules souches d'intérêt, les CD 34+, nous les mettons en culture pendant 9 jours afin qu'elles se multiplient. Elles sont ensuite conditionnées dans des seringues et envoyées en centre hospitalier, où elles sont tout simplement injectées au niveau des tissus lésés. Une seule injection de ce biomédicament est nécessaire, il s'agit d'une procédure mini-invasive réalisée par voie vasculaire. Des visites de suivi sont ensuite prévues à 1, 3 et 6 mois.
Quelles sont ses applications thérapeutiques ?
Aujourd'hui, notre programme se concentre avant tout sur la réparation des tissus du myocarde, pour les patients ayant subi un infarctus et présentant une insuffisance cardiaque. Mais nous sommes également capables de traiter d'autres maladies cardiovasculaires, comme l'angine réfractaire de poitrine ou certains problèmes de vascularisation. Cela est notamment utile pour les personnes diabétiques, afin de leur éviter de développer des ulcères qui mènent à la gangrène. Nous sommes aussi en train de travailler sur des thérapies de régénération des hépatocytes, afin de soigner les maladies du foie comme les cirrhoses ou les dysfonctionnements métaboliques tels que la stéatohépatite non alcoolique (Nash), ainsi que sur des traitements permettant de reconstituer le cartilage, dans le but de guérir les arthroses et de repousser, voire de se substituer à la pose de prothèses.
Quels sont les bénéfices pour les patients ?
Les avantages sont nombreux. Le premier est qu'il s'agit d'un traitement très peu invasif, réalisé en ambulatoire et qui ne nécessite pas de chirurgie, puisqu'une simple injection avec anesthésie locale suffit. S'agissant des propres cellules du patient, et non d'un organe provenant d'un donneur extérieur, les effets secondaires sont quasi nuls et il n'y a aucun risque de rejet, ce qui évite donc de nombreuses complications et rend inutile la prise continue de médicaments antirejet comme c'est le cas avec les greffes allogéniques. Les délais de traitement sont également raccourcis : alors que la liste d'attente pour une greffe du cœur est de près d'un an, nous pourrions traiter les patients dans le mois suivant leur infarctus.
Le seul inconvénient de ce traitement est son coût, car chaque biomédicament étant réalisé « sur mesure » pour le patient, il est impossible d'avoir une production industrielle à grande échelle.
À quel stade en sont les recherches ?
Notre thérapie régénératrice cardiaque est la plus avancée, elle est déjà en phase 2 des essais cliniques et est expérimentée avec succès dans plusieurs hôpitaux en France, au Royaume-Uni et à Singapour. Nous avons bon espoir que d'ici trois ans, elle pourra enfin être accessible au grand public pour s'imposer comme une véritable alternative aux transplantations cardiaques. Les autres programmes sur la réparation des vaisseaux sanguins, du cartilage et du foie sont, quant à eux, toujours en préclinique. Mais la technique étant la même que celle utilisée pour la régénération des tissus du cœur, nous avons déjà beaucoup de recul et le protocole pourrait donc être raccourci.