Alors que la contraception est désormais gratuite en France pour les femmes jusqu'à 25 ans, les méthodes destinées aux hommes restent balbutiantes, victimes du poids des mentalités et d'un manque d'investissements dans la recherche.
Dans quelques décennies peut-être, les nouvelles générations regarderont d'un œil médusé notre époque où la charge contraceptive incombait exclusivement aux femmes. Tombée en désamour total du fait des scandales sanitaires et des nombreux effets secondaires, la pilule contraceptive ne suscite plus du tout l'engouement qu'elle a connu il y a plus d'un demi-siècle déjà. Les revendications féministes et l'égalité homme-femme qui s'imposent désormais dans le débat public ont donc mis la question de la contraception masculine sur la table. Si la recherche est encore à la traîne sur le sujet, les hommes ne sont que 15 % en France à s'intéresser aux méthodes déjà existantes. On a fait le point avec le Dr Antoine Faix, chirurgien urologue, sur l'avenir de la contraception masculine.
Des solutions très restreintes
Pilule, implant, stérilet, patch, anneau vaginal… si les moyens de contraception féminine sont pléthoriques, chez les hommes, il n'existe que deux solutions dont les effets contraceptifs sont prouvés scientifiquement : le préservatif et la vasectomie. Cette dernière se déroule en ambulatoire et consiste à couper et bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes à partir des testicules. Généralement banale, cette opération permet de retrouver une sexualité tout à fait normale après quelques jours de soins. Néanmoins, la vasectomie est encore marginale dans notre pays (seul 1 % des hommes y ont recours) et reste souvent le choix d'hommes en couple ayant déjà des enfants. De plus, même si elle peut être réversible dans quelques cas, elle est considérée comme une méthode contraceptive radicale et définitive.
La recherche à ses balbutiements
D'autres méthodes sont à l'étude par les chercheurs, comme la contraception hormonale qui consisterait en des injections de testostérone associée à de la progestérone, mais les données ne sont pour l'heure pas concluantes, malgré un protocole validé par l'OMS. Comme l'explique le Dr Faix, « il existe bien une réaction contraceptive avec cette méthode, mais nous n'avons pas encore de vision à long terme sur les effets secondaires, les risques de surdosage (la dose de testostérone injectée est trois fois supérieure à la normale), etc. On est donc très loin de mettre en place une contraception hormonale masculine, d'autant plus que les études sur le sujet sont peu financées ».
Quand à la contraception thermique, qui consiste à maintenir les testicules au chaud durant 15 heures minimum par jour grâce à un sous-vêtement spécial, le spécialiste alerte sans louvoyer : « Cette méthode n'est pas reconnue scientifiquement; elle n'est pas interdite mais elle n'est qu'au stade d'expérimentation. En termes de sécurité, nous ne connaissons pas encore les risques associés, notamment pour le cancer des testicules. »
Et lorsque nous prenons la peine de faire une remarque, féministe s'il en est, sur les nombreux effets secondaires liés à la contraception hormonale féminine, le Dr Faix ne mâche pas ses mots : « Il ne faut pas confondre débat sociétal et scientifique. Sur la contraception féminine, nous avons maintenant des décennies de recul, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour les hommes. À l'époque de la loi Neuwirth en 1967, les femmes mourraient d'avorter, il y avait donc une urgence sanitaire à leur donner la possibilité de contrôler leur contraception. »
Quel avenir pour la contraception masculine ?
Si pour l'heure les solutions données aux hommes sont donc plus que limitées et que les mentalités ont aussi clairement besoin d'être changées, l'avenir de la contraception masculine n'est pourtant pas chaotique. Des pistes sont à l'étude pour permettre de rendre la vasectomie réversible à tous les coups. « Aujourd'hui, c'est plutôt une stérilisation, mais d'ici une dizaine d'années, si l'on parvient à injecter les fonds nécessaires à cette recherche, on espère pouvoir proposer une vasectomie réversible aux hommes. »
D'autres moyens sont encore testés sur les animaux, notamment l'adjudine, une molécule qui bloque la fabrication des spermatozoïdes, ou encore un vaccin anti-flagelle. Et le Dr Faix de conclure : « Il va falloir encore quelques années et des moyens financiers colossaux pour qu'on ait des réponses scientifiques valables. La recherche va évoluer, au même titre que les mentalités, mais il faut lui laisser du temps. » Pas de science sans patience donc...