Afin d'accéder à des sites pour adultes, il faudra prochainement pouvoir attester de son âge. Dans les prochaines semaines, un système de vérification mis en place avec le laboratoire de recherche de la CNIL et Polytechnique, va entrer en phase de test. L'objectif est d'éviter le fiasco anglais.
Le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, l'avait laissé entendre au début du mois de février : le gouvernement s'apprête à mettre en place, à la fin du mois de mars, un dispositif permettant de vérifier l'âge d'un internaute lorsque celui-ci se rend sur un site proposant du contenu pour adulte. Ce système viendrait en bloquer l'accès si la vérification n'aboutit pas. L'objectif affiché par le législateur est de protéger les mineurs des sites pornographiques. Sur le papier, la mission est louable, dans les faits, les solutions posent des problèmes techniques et de protection de la vie privée des internautes. Des options techniques existent pour vérifier l'âge des visiteurs des sites pornographiques, mais aucune n'a montré son infaillibilité. « Nous travaillons à faire émerger une solution de vérification d'âge qui respecte un principe de double anonymat », a expliqué le ministre lors d'une audition devant la délégation aux droits des enfants, à l'Assemblée nationale.
Le modèle retenu repose sur un système de jeton. Le site consulté renvoie l'utilisateur vers un tiers capable de vérifier son âge qui à son tour retourne un jeton anonyme au site, sorte de sésame qui certifie que la vérification s'est bien déroulée, sans fournir d'autres informations. En théorie, ce tiers ne connaît pas l'origine de la redirection. Selon un rapport de 2019 de l'Inspection générale des finances, plusieurs acteurs pourraient être en mesure d'effectuer cette validation. Les premières ciblées sont les banques puisque les sites payants requièrent généralement des coordonnées bancaires lors de l'inscription. S'il n'y a pas de paiement, un système de micropaiement, uniquement mis en place pour vérifier une carte de crédit, peut être envisagé.
Deux limites apparaissent. Les sites gratuits rechignent à exiger une telle procédure pour des utilisateurs qui, par définition, les consultent car le contenu est… gratuit. Leurs revenus se faisant sur la publicité et donc le trafic, la loi mettrait un fort coup d'arrêt à leur activité. D'autre part, l'industrie de la pornographie ne brille pas sa transparence vis-à-vis des autorités de régulation et du monde bancaire. Les risques de fraude sont ainsi élevés. Au Royaume-Uni, un dispositif similaire avait été mis en place en 2017 avant d'être abandonné dès 2019.
Une phase de test pour lever les difficultés
Pour lever les incertitudes, le laboratoire de recherche de la CNIL a été sollicité en collaboration avec Olivier Blazy, spécialiste en cryptographie et enseignant à Polytechnique. L'an passé fut présenté un rapport de faisabilité. « Dans notre prototype, nous avons envisagé d'avoir un groupe d'autorités chargées de certifier la majorité, parmi lesquelles on pourrait envisager par exemple France Connect, les banques qui connaissent déjà votre âge ou les fournisseurs d'accès à Internet. L'intérêt, c'est de limiter la collecte de données en confiant cette tâche à des autorités qui ont déjà ces informations, tout en s'assurant que ce compte est suffisamment personnel pour qu'il ne soit pas trop partagé, par exemple avec d'autres membres de la famille », expliquait alors Olivier Blazy dans un entretien au Monde. C'est ce dispositif qui a été retenu par le gouvernement et qui entrera en phase de test fin mars. Reste encore à connaître les autorités qui seront chargées de délivrer les preuves de majorité, ainsi que les outils que devront déployer les éditeurs de sites pour adultes afin de se conformer aux normes de ce système de jeton. En attendant, les fournisseurs de VPN, ces serveurs délocalisés qui permettent à un internaute de changer sa localisation en quelques clics, se frottent les mains.