De la mécanique à l'informatique, l'évolution radicale de l'industrie automobile

Historiquement dominée par les principes de l'ingénierie mécanique, l'industrie automobile s'est dernièrement jetée corps et biens dans les bras des nouvelles technologies de l'informatique et des communications. Pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Longtemps l'industrie automobile est restée insensible aux sirènes des nouvelles technologies. Pour beaucoup de grands anciens de cet univers carrossé, la mécanique, ancrée dans un réel bien physique, est une discipline noble et complexe qui ne devait pas s'acoquiner avec cette science éthérée qu'est l'informatique. Depuis une quinzaine d'années, une révolution silencieuse mais fulgurante s'est toutefois opérée. Il suffit de comparer un habitacle d'un modèle de 2010, avec son petit écran terne et son compteur analogique, a son homologue d'aujourd'hui, véritable cockpit de vaisseau spatial. Ce changement de paradigme ne se cantonne pas aux systèmes d'infodivertissement et à la compatibilité Android ou Apple, mais dirige désormais la conception globale d'une voiture. Prenez, par exemple, la Ford F-150 Lightning, un phare de l'industrie américaine. Le niveau d'intégration informatique est tel que son architecture technologique s'articule autour d'un écheveau complexe de plus de 150 millions de lignes de code ! Par comparaison, le géant des airs qu'est le Boeing 787 Dreamliner n'a besoin que de 6,5 millions d'entrées. Ce tour de force logiciel n'est pas un cas isolé. Les voitures contemporaines, en leur essence, se sont muées en de véritables ordinateurs sur roues. Elles abritent entre 50 et 100 processeurs indépendants, ces unités de contrôle électronique (UCE) qui sont les chefs d'orchestre de leurs fonctionnalités diverses et complexes. Le rôle de ces processeurs est crucial, car ils pilotent des tâches aussi variées que vitales : du maintien de la trajectoire à la gestion fluide de la connectivité avec nos appareils mobiles, en passant par des systèmes d'infodivertissement sophistiqués qui rendent nos voyages plus agréables et interactifs. On peut ajouter à cela la connectivité mobile, survenue dès 2014, les commandes à distance via les applis mobiles, l'ouverture sans clé, le maintien dans la voie, la surveillance des panneaux ou encore le régulateur intelligent. La transformation est totale.

Des promesses et des risques

Sous l'impulsion de Tesla, une nouvelle ère s'ouvre : celle du véhicule défini par logiciel (SDV). Il ne s'agit pas ici de se contenter d'offrir des fonctionnalités améliorées mais bien de transformer radicalement la façon dont les voitures sont conçues, fabriquées et entretenues. Contrairement aux véhicules traditionnels où les changements majeurs nécessitent une intervention physique, les SDV peuvent être constamment améliorés et personnalisés grâce à des mises à jour logicielles over-the-air (OTA), similaires aux mises à jour que nous recevons sur nos smartphones. Cette innovation ouvre la porte à une flexibilité et une adaptabilité sans précédent. Par exemple, un conducteur pourrait télécharger une mise à jour logicielle qui améliore l'efficacité énergétique de son véhicule ou qui ajoute de nouvelles fonctionnalités de sécurité. Les constructeurs automobiles, en adoptant ce modèle, peuvent non seulement améliorer l'expérience du conducteur, mais également prolonger la durée de vie et la pertinence de leurs véhicules grâce à des mises à jour continues. L'industrie automobile, autrefois dominée par la mécanique, est à présent un terrain fertile pour l'innovation logicielle, où la performance ne se mesure plus seulement en chevaux-vapeur, mais aussi en lignes de code et en puissance de traitement. Cette révolution s'accompagne naturellement de risques majeurs. Entre le nouveau pouvoir donné à ce contrôle à distance des performances et des options d'un modèle par le constructeur même après la vente, qui ouvrent la porte à des abus commerciaux inévitables, et les vulnérabilités croissantes au piratage et au code malveillant, pas sûr que l'automobiliste, déjà bien malmené par les bouleversements économiques et technologiques, s'y retrouve. Le changement est toutefois bien en marche.