Toute entreprise doit veiller à la santé et à la sécurité de son personnel, sans quoi sa responsabilité pourra être mise en cause. Comment s'articule ce devoir ? On vous explique de quoi il retourne.
Le Code du travail prévoit depuis longtemps un large panel de mesures visant à protéger physiquement les salariés du secteur privé. Au cœur de cette législation, on retrouve un devoir primordial de l'employeur : celui de veiller à la santé et à la sécurité de son personnel.
Tous les risques pris en compte
Ce devoir impose à l'entreprise d'évaluer tous les risques auxquels les salariés peuvent être exposés au travail. C'est un champ d'application très vaste puisqu'il comprend les questions purement techniques, avec un certain nombre de consignes de sécurité, mais aussi de pénibilité (missions de nuit, bruit, températures extrêmes…). De même, les risques psychosociaux du type stress, harcèlement, violences doivent aussi être pris en compte. On l'aura compris, outre les dispositions élémentaires communes à n'importe quelle société, le type d'activité joue donc énormément sur les mesures préventives à mettre en place.
Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat, spécialiste des questions juridiques en entreprise, nous éclaire : « L'employeur a une obligation de résultat à l'égard de la santé et de la sécurité de son personnel. En cas de problème sur le lieu de travail, c'est lui qui est responsable. Mais il lui appartient d'apprécier les risques et de prendre les dispositions nécessaires en fonction de cela. »
Actions et réactions
Afin d'encadrer les prises de décision, la législation impose à toute entreprise d'établir un « document unique d'évaluation des risques professionnels » (DUERP). Il comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail, leur classement par niveau de gravité et les propositions d'actions à mettre en place.
C'est à partir de cet état des lieux que la société doit mettre en œuvre des mesures de prévention, à travers notamment des formations ad hoc, ainsi que des méthodes de travail et de production garantissant le meilleur niveau de protection possible. Cela passe aussi par l'aménagement des locaux qui doivent permettre une bonne aération, un éclairage adapté, un chauffage suffisant, une protection contre le bruit ou encore une adaptation des postes informatiques. Et Philippe Wagner de donner comme exemple : « Si un salarié fait un malaise en pleine canicule parce que les bureaux sont trop chauds, la responsabilité de l'employeur peut être engagée au niveau civil mais aussi pénal. »
Le dernier recours des salariés
Si vous estimez que vous êtes en danger, la loi vous permet de faire valoir votre droit d'alerte et de retrait. « Il s'agit de la faculté de quitter son poste de travail de façon légitime, sans perte de rémunération, dès lors que la situation présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé d'un employé. Mais c'est un droit complexe à évaluer », nous précise l'expert. La législation cite par exemple l'utilisation d'un véhicule ou d'un équipement de travail défectueux, l'absence de matériel de protection, un processus de fabrication dangereux ou pourquoi pas un risque d'agression. Dans tous les cas, le danger peut être individuel ou collectif.
Cela dit, « le droit de retrait est un dernier recours lorsqu'on a essayé tout le reste » tempère Philippe Wagner. Cela suppose d'avoir au préalable fait remonter vos inquiétudes à votre direction ainsi qu'aux représentants du personnel. Si rien ne bouge est que vous vous estimez réellement menacé par un risque de blessure, d'accident ou de maladie, vous pouvez alors avertir votre employeur, de préférence par écrit, que vous exercez votre droit de retrait.
À noter : en cas de litige ultérieur, il faudra toutefois prouver que vous aviez des raisons légitimes de craindre pour votre sécurité pour éviter une requalification en abandon de poste.
Quid du coronavirus ?
L'épidémie de coronavirus éclaire, sous un nouveau jour, le devoir de prévention. « On peut imaginer que la responsabilité de l'employeur pourrait être mise en cause s'il ne respectait pas les préconisations de l'État », précise Philippe Wagner.
Dès les premiers cas de contamination en France, bon nombre de sociétés ont donc banni les bises et poignées de main, limité les réunions, mis du gel hydroalcoolique à disposition et élargi le télétravail. Depuis 2017, le Code du travail prévoit d'ailleurs qu' « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme [...] nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés ».
Alors que des chauffeurs de bus et les employés du Louvre ont exercé leur droit de retrait début mars, des facteurs et des ouvriers d'usine contraints de travailler malgré le confinement ont eux aussi peur d'être contaminés. Si la situation peut changer à tout moment, les experts estimaient toutefois que l'épidémie seule ne pouvait justifier un danger grave et imminent au moment où nous avons écrit ces lignes.