Les santons, qu'es acò ?* Voici la petite histoire de ces personnages colorés qui participent depuis des siècles à la magie de Noël en France.
Avec les fêtes arrive souvent tout un lot de traditions et autres rituels réconfortants : pour certains il y a les cadeaux à trouver pour les proches, les repas du 24 et du 25 décembre à préparer, le sapin à décorer. Pour d'autres, ce sont les plaisirs simples liés à la saison hivernale : les chocolats chauds à la cannelle, le patin à glace entre amis, les feux de cheminées, la confection du calendrier de l'avent, les pâtisseries en forme de rennes. Et puis, il y a la fameuse crèche provençale.
Comme le dit une chanson régionale (et un brin chauvine) du pays des cigales : « Jésus est né en Provence, c'est un berger qui me l'a dit ! ». On sait que les santons, ces petites figurines d'argile très colorées, sont une tradition provençale et rayonnent aujourd'hui à travers toute la France, voire au-delà. Pourtant, dès le Moyen Âge déjà, en Italie, on représente la naissance de Jésus avec des sculptures mobiles, non fixées au sol. C'est Saint-François d'Assise, en 1223, qui met en scène pour la première fois la Nativité dans l'église de son village de Greccio, avec des personnes réelles et de véritables animaux.
En 1793, la Révolution française entraîne la fermeture des églises, la suppression de la messe de minuit et des représentations de la naissance de Jésus. Très attachés à leurs croyances et à leur tradition, les Provençaux commencent alors à fabriquer des petits personnages avec ce qu'ils ont sous la main : de la mie de pain, du papier mâché ou de la cire. Peu à peu, chaque foyer installe dans sa maison une crèche avec ses propres « santoun » (« petit saint » en provençal).
Les santons : symboles du passé et d'un savoir-faire régional
Ce n'est qu'au début des années 1800 que les crèches ont le droit de réintégrer les églises. À cette époque, le Marseillais Jean-Louis Lagnel a l'idée de modeler les personnages de la Nativité dans de l'argile et de créer des moules pour les reproduire en série puis de les peindre à la main. Le métier de santonnier est né. La préparation de la crèche a une place importante dans les célébrations de Noël et représente la coutume la plus suivie des Provençaux. On commence à y penser dès le mois de novembre et de nombreux concours de la plus belle création fleurissent un peu partout. En décembre, les artisans viennent présenter leurs nouveaux modèles lors des différentes foires aux santons provençales. La région de Marseille, Aix-en-Provence et Aubagne continue de rassembler l'essentiel des ateliers les plus importants et les plus connus, avec notamment trois grandes familles : Carbonel, Fouque et Escoffier. La foire de Marseille, la plus ancienne, rassemble chaque année des milliers de visiteurs. Une bonne occasion pour tous les passionnés de venir compléter leur collection en buvant un bon verre de vin chaud.
L'enfant Jèsu, la Santo Vierge, lou Ravi et les autres
Dans la crèche provençale, que l'on commence avant Noël, on retrouve bien sûr les trois stars de la Bible : Marie, Joseph et l'enfant Jésus, affublés au cours des années d'un âne et d'un bœuf. Peu à peu, les familles ajoutent des personnages qui composaient nos villages provençaux il y a quelques siècles. Chacun a sa propre histoire, que l'on peut découvrir en assistant à une pastorale, représentation théâtrale aujourd'hui encore jouée dans certains lieux.
Ainsi, l'ange Boufareu, Lou Ravi, Lou Pistachié, le vieux et la vieille, l'aveugle et son fils animent la scène. On retrouve également des petits métiers de la région (les bergers avec leurs moutons, le meunier, le boulanger, le pêcheur, la poissonnière, la lavandière, le tambourinaire…) qui valorisent le terroir et les coutumes de Provence. Le curé, le moine ou le maire se mêlent à l'Arlésienne et aux bohémiens, complétant le tableau. Enfin, n'oublions pas les Rois mages qui se joignent au moment de l'Épiphanie. Tout ce beau petit monde apporte de la vie et de l'humour à nos préparations de Noël, témoignant d'une époque révolue et pourtant encore bien ancrée dans nos traditions festives.
Bon Nouvè ! (Joyeux Noël en provençal)
*Qu'es acò signifie « qu'est-ce que c'est ? » en occitan.