Certains enseignants affirment que cette méthode aurait révolutionné leur manière d'enseigner les mathématiques. Zoom sur cette pédagogie novatrice !
À l'approche de la rentrée des classes, l'euphorie générale des retrouvailles et la fierté d'un saut en avant dans la classe supérieure dissimulent parfois plus d'une appréhension… Passé la joie de la première semaine de classe, le retour sur les bancs de l'école remet rapidement les élèves face à leurs lacunes dans certaines matières. Toutefois, cette année, celles et ceux qui ont des difficultés en mathématiques pourraient bien bénéficier d'un atout de taille ! Connue à l'internationale, la méthode de Singapour a déjà prouvé son efficacité et permet d'observer une progression chez les élèves de tous niveaux - du plus passionné au plus récalcitrant.
Petite histoire de la méthode de Singapour…
Comme son nom l'indique, la méthode de Singapour nous vient tout droit de… Singapour. En 1980, après quinze ans d'influence colonialiste, le gouvernement singapourien décide de faire des mathématiques et des sciences sa priorité nationale. Les plus grands professeurs et scientifiques se réunissent alors et, pendant cinq ans, élaborent une méthode audacieuse et avant-gardiste. Après l'avoir mise en pratique sur le terrain, les élèves singapouriens sont rapidement classés comme les meilleurs du monde. Repérés dans l'étude TIMSS de 1995 (une comparaison internationale des systèmes éducatifs en mathématiques), ils conservent depuis lors leur titre de premiers de la classe.
Le phénomène intrigue alors les scientifiques et les professeurs du monde entier. Il faudra peu de temps pour que la méthode s'exporte, d'abord en Israël, puis aux États-Unis et au Canada. Aujourd'hui, la méthode de Singapour serait intégrée au système éducatif de plus de 60 pays et aurait bel et bien fait la preuve de son efficacité. En France, certains enseignants la mettent en pratique depuis 2016. Conçue par le ministère de l'Éducation de Singapour, la méthode a en effet été traduite et adaptée pour l'Éducation nationale par La Librairie des écoles. À l'automne 2017, 2 000 classes de primaire avaient déjà adopté cette technique d'enseignement, soit environ 120 000 écoliers.
La méthode de Singapour, comment ça marche ?
Destiné aux élèves du CP au CM2, la méthode de Singapour lutte contre un enseignement trop théorique et aide les élèves à donner du sens aux concepts qu'ils apprennent (fractions, opérations, procédure mathématiques…) afin de mieux les mémoriser. Elle met la résolution des problèmes au cœur de l'apprentissage et fonctionne selon une démarche en trois étapes.
Primo, « l'étape concrète » où il s'agit de rattacher le problème mathématique à des exemples du réel qui parlent aux enfants. Par exemple, au lieu de poser le problème sous forme d'une fraction, l'enseignant parlera de « découper un gâteau en plusieurs parts égales ». Secundo, « la représentation imagée » est une étape de médiation où, grâce à des représentations intermédiaires (comme du matériel pédagogique, des constructions, des schémas…) l'enseignant va faire apparaître le concept abstrait. Par exemple, puisqu'il n'a pas de gâteau à découper sous la main, le professeur va dessiner au tableau un cercle, divisé en plusieurs parts égales. Tertio, « l'étape abstraite » où il s'agit d'amener l'élève de la représentation imagée jusqu'au langage mathématique. Cette méthode pédagogique en trois temps vise à faciliter la compréhension des élèves en partant de notions très simples et très imagées, puis en les accompagnant vers des notions abstraites, plus complexes.
Pourquoi cette méthode fonctionne-t-elle si bien ?
Pour faire comprendre à l'élève le concept mathématique, l'enseignant utilise des stratégies de médiation et de modélisation. Ce procédé s'avère particulièrement efficace dans le cadre d'un cours, car il invite les élèves à exprimer des hypothèses sur les situations proposées et représentées. La méthode de Singapour met en effet l'accent sur la verbalisation (aussi bien du côté des enseignants que de celui des élèves) car le dialogue est au cœur de l'apprentissage et de la mémorisation des connaissances. Pour Monica Neagoy, docteur en mathématiques et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques, il s'agit de « mettre un haut-parleur sur la pensée de l'enfant pour l'aider à rendre explicite ce qui pour lui est implicite ».
Si la méthode de Singapour remporte un franc succès, c'est avant tout parce qu'elle invite les élèves à raisonner tout en se sentant impliqués dans le processus mathématique. En captant davantage l'intérêt des étudiants, cette méthode permettrait de renforcer le raisonnement logique et d'éviter les décrochages. Pour Monica Neagoy c'est la mémorisation « par cœur » de formules et de procédures mathématiques, sans liens concrets dans la pensée de l'élève, qui signe le début de la catastrophe scolaire et « la fin de l'amour pour les maths ». Par ailleurs, il s'agit d'un « programme massé ». Le calendrier pédagogique est en effet différent, puisqu'il prend le temps d'approfondir un sujet pendant plusieurs semaines, au lieu de traiter en parallèle plusieurs sujets tout au long de l'année.