Face à l'aggravation de la catastrophe climatique et environnementale ces dernières années, de nombreuses personnes se sont mises à ressentir de l'éco-anxiété. Décryptage de ce nouveau phénomène avec Magali Payen, une éco-citoyenne engagée.
S'inquiéter gravement de l'état actuel du monde et plus précisément des désastres environnementaux est un phénomène qui porte le nom d'éco-anxiété et qui suscite de multiples angoisses chez certains. Magali Payen, fondatrice d'On est prêt, un mouvement de mobilisation citoyenne, nous en dit plus. Entretien.
Qu'est-ce que l'éco-anxiété ?
L'éco-anxiété regroupe un panel d'émotions très différentes. Pour simplifier, on peut la définir comme une peur des effondrements écologiques à venir. À ne pas confondre avec la solastalgie qui est la nostalgie de ce qui a déjà été perdu.
L'éco-anxiété est un nom assez mal trouvé car, en médecine, l'anxiété est une peur qui n'a pas de cause réelle, tandis qu'ici, la menace est bien réelle, à savoir le dérèglement climatique.
C'est pour cette raison qu'il y a beaucoup de débat autour de ce terme et que certains qui envisagent de le renommer « éco-conscience » ou « éco-lucidité » par exemple.
Quels sont les symptômes qui montrent que l'on souffre d'éco-anxiété ?
Il y a différentes typologies de symptômes. Nous avons tout d'abord ceux qui ont attrait à l'affectif. 130 émotions ont été recensées parmi lesquelles la peur, la colère, la tristesse, le sentiment d'impuissance, etc.
Ensuite, il y a les symptômes comportementaux, c'est-à-dire à quel point cela va affecter notre fonctionnement dans la vie de tous les jours : on va mal dormir, ne plus s'alimenter de la même manière ou avoir du mal à interagir avec les personnes qui nous entourent.
La troisième famille de symptômes s'appelle les conatifs, cela signifie qu'on a l'impression de ne pas faire assez d'efforts pour améliorer la situation. Enfin, on termine par les symptômes cognitifs: on y pense tout le temps ou presque.
Néanmoins, si l'on parle de symptômes, l'éco-anxiété n'est pas une maladie. Il s'agit d'une sensation qui est tout à fait normale, mais qui peut déclencher des maladies si on n'en prend pas soin. Il faut prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin du monde et notre objectif est de corréler les deux pour trouver une harmonie.
Comment savoir si l'on souffre d'éco-anxiété et qui sont les plus touchés ?
Pour calculer son niveau d'éco-anxiété, la première étape est d'effectuer un test basé sur l'échelle psychométrique de Hogg. Ce test nous permet de nous situer entre 0 et 100. Si, par exemple, vous obtenez 72, cela signifie que votre éco-anxiété est beaucoup trop forte et risque de déborder.
Pour connaître les populations les plus touchées par l'éco-anxiété, le mouvement On est prêt s'est d'abord appuyé sur l'étude menée par la revue scientifique The Lancet (qui lançait en 2021 un sondage à grande échelle sur l'anxiété climatique chez les enfants et les jeunes dans le monde) avant de lancer sa propre enquête en deux temps.
En premier lieu, nous avons réalisé une étude quantitative, en collaboration avec l'Observatoire de l'éco anxiété (OBSECA). Elle est encore en cours mais les premiers résultats montrent qu'il y a des gradations d'éco-anxiété. Il en ressort que 75 % des 3 700 répondants sont « éco-conscients », dont 20 % des répondants sont « éco-inquiets » (moyennement et fortement éco-anxieux) et 5 % sont très fortement éco-anxieux au point que leur santé mentale soit menacée. L'éco-anxiété concernerait 68,9 % des femmes contre 31,1 % des hommes, et les personnes les plus affectées auraient l'âge moyen de 32 ans.
Des résultats qui seront complétés dans un deuxième temps par une étude qualitative à partir de la rentrée, pendant laquelle nous suivrons une cohorte de 30 personnes pendant plusieurs mois.
Peux-on sortir de cette éco-anxiété ?
Ce n'est pas forcément souhaitable d'arrêter d'avoir peur, car faire l'autruche en attendant que le climat se dérègle n'est pas une solution. La peur peut se réguler en agissant : réfléchir à l'action juste pour soi et à celle qui va nous correspondre le mieux. Pour certains, cela se traduira par un changement de mode de vie, par exemple.
Il est également très important de sortir de l'isolement pour ne pas se sentir seul dans ces préoccupations. On en parle, puis on transforme ses émotions en action, et ensemble, on devient une force immense.
Les actions d'On est prêt
En dehors des études qualitatives et quantitatives, le mouvement de mobilisation citoyenne On est prêt, qui existe depuis 2018, propose plusieurs types d'actions pour réguler notre éco-anxiété. Il existe en effet un parcours d'accompagnement avec des psychologues, des médecins ainsi que des experts sur le sujet. Sans oublier des actions réalisées sur des thématiques spécifiques.
Au printemps dernier, le mouvement fondé par Magali Payen a lancé la campagne Tu flippes ? durant laquelle 10 000 personnes ont répondu au test sur l'éco-anxiété et 800 témoignages ont été déposés sur la plateforme dédiée (Discord) en moins de 24 heures. La campagne a également réalisé une vidéo de mobilisation de personnes publiques et proposé des groupes de parole, de la méditation et des conseils pour agir pour l'environnement.