En vingt ans, YouTube est devenu un géant du streaming, transformant la création et la consommation de vidéos. Retour sur une révolution culturelle et technologique.
Le 14 février 2005, une vidéo de dix-huit secondes était mise en ligne sur un site encore inconnu du grand public : Me at the zoo, où l'un de ses cofondateurs, Jawed Karim, se tenait devant l'enclos des éléphants du zoo de San Diego. Vingt ans plus tard, YouTube n'est plus une simple plateforme de partage de vidéos, mais un empire du streaming qui rivalise avec la télévision traditionnelle et redéfinit les codes du divertissement. Avec 2,5 milliards d'utilisateurs mensuels, un milliard d'heures visionnées chaque jour sur télévision et des créateurs devenus de véritables studios à eux seuls, YouTube incarne l'évolution du web et de la consommation des médias.
L'idée du siècle
En 2005, YouTube naît d'une frustration : celle de ne pas pouvoir retrouver facilement des vidéos en ligne. Inspiré par le scandale du Nipplegate, où Janet Jackson avait brièvement dévoilé un sein lors du Super Bowl, Jawed Karim imagine, avec Chad Hurley et Steve Chen, une plateforme où chacun pourrait téléverser et partager du contenu vidéo. À ses débuts, le site ressemble davantage à un projet amateur qu'à une révolution en devenir, au point que son slogan initial, Tune In, Hook Up, suggérait un usage orienté rencontres. Mais très vite, la flexibilité du concept attire une audience massive. L'année suivante, Google rachète YouTube pour 1,65 milliard de dollars, un pari jugé risqué à l'époque mais qui s'avérera l'un des investissements les plus rentables de l'histoire du web.
Google s'en frotte les mains
Ce rachat marque le début d'une transformation majeure : YouTube passe du statut de plateforme expérimentale à celui de géant du numérique en structurant son modèle économique autour de la publicité et de la monétisation des contenus. En 2007, la création du YouTube Partner Program permet aux vidéastes de toucher une part des revenus générés par leurs vidéos, posant ainsi les bases de la creator economy. Ce modèle transforme des amateurs en professionnels, encourageant la production de contenus toujours plus sophistiqués. En deux décennies, l'écosystème s'est considérablement développé : aujourd'hui, plus de trois millions de chaînes sont monétisées et YouTube a versé plus de 70 milliards de dollars aux créateurs ces trois dernières années.
Un vivier créatif
YouTube n'est plus seulement une plateforme de vidéos virales ; il est devenu un acteur central du divertissement mondial. Des premiers mèmes comme Keyboard Cat ou Charlie Bit My Finger aux clips musicaux records de Gangnam Style et Despacito, la plateforme a façonné la culture populaire. Elle a aussi révolutionné des industries entières, du gaming, avec des créateurs comme PewDiePie, à la vulgarisation scientifique et aux documentaires autonomes. Si YouTube a tenté de rivaliser avec Hollywood via ses Originals, c'est finalement en misant sur ses créateurs qu'il a trouvé sa véritable force, leur offrant des outils professionnels et un modèle économique viable.
Premier écran
YouTube n'est plus seulement un site de vidéos regardées sur mobile ou ordinateur : il s'impose désormais comme le premier service de streaming sur télévision. En trois ans, le visionnage sur grand écran a bondi de 130 %, avec plus d'un milliard d'heures regardées chaque jour. Cette mutation s'explique par l'essor des téléviseurs connectés, qui intègrent YouTube comme une application native, mais aussi par la pandémie, qui a ancré de nouvelles habitudes de consommation à domicile. Face à ce basculement, la plateforme a investi massivement dans la publicité sur TV connectée, un marché estimé à 29 milliards de dollars en 2024, et s'est aventurée sur le terrain des droits sportifs en acquérant le NFL Sunday Ticket pour 2 milliards de dollars par an. Même si des défis de financement et des tensions avec les créateurs concernant la répartition des revenus sont à prévoir, l'avenir semble appartenir à YouTube.