Depuis le 1er août, l'impression systématique du ticket de caisse est interdite. Cette mesure intervient dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. De nombreux commerçants se tournent désormais vers le ticket numérique qui pose de nombreuses questions aussi bien en termes d'écologie, d'usage pour les personnes qui ne maîtrisent pas bien les nouvelles technologies, que de respect de la vie privée.
Dans le cadre de la nécessaire transition écologique, le législateur a mis en place une vaste législation contre le gaspillage et en faveur de l'économie circulaire à travers une loi du 10 février 2020. L'une des mesures médiatisées de ce texte est l'interdiction faite aux vendeurs d'imprimer systématiquement le ticket de caisse. Il faut dire que sont produits chaque année en France près de trente milliards de ces petits papiers bourrés de bisphénol, un perturbateur endocrinien, qui consomment de surcroît une quantité non négligeable d'eau lors de leur fabrication. Dans les faits, de nombreux commerçants ont pris les devants de cette mesure qui est entrée en vigueur le 1er août 2023 et proposent déjà depuis un moment des alternatives dématérialisées. Mais comme tout changement d'ampleur, ce passage au numérique ne se fait pas sans poser d'importantes questions.
Un ticket vert ?
La première question découle naturellement de la raison qui a motivé cette législation. Le ticket numérique est-il vraiment plus vert que son homologue papier ? Il est difficile d'y répondre avec certitude. Le ministère de l'Écologie n'est pas en mesure de fournir une étude d'impact. Bien sûr, tout ticket non imprimé est une pollution en moins. Mais qu'en est-il de la version numérique qui sera très utilisée, notamment pour les bien durables, avec garantie, comme les produits high-tech et l'électroménager ? En 2018, le collectif d'experts Green IT, dans une vaste campagne d'information, estimait que le ticket 2.0 consommait moins d'eau mais produisait plus de gaz à effet de serre que son équivalent papier.
Depuis cette époque, les différentes études d'impact des e-mails ont été révisées à la baisse, mais la méthodologie de Green IT, très optimiste, n'était pas des plus réalistes. Par exemple, l'étude partait du principe que les utilisateurs effaçaient leur reçu alors qu'ils ont tendance à le stocker. D'autre part, les commerçants vont nécessairement se servir des données qu'ils vont récupérer (e-mail, numéro de téléphone, etc.) pour faire du e-marketing, alourdissant ainsi le bilan énergétique. Le gain écologique est ainsi indéniable, mais pas aussi net qu'espéré.
Un cheval de Troie ?
Pour louer les mérites du ticket dématérialisé, le ministère de l'Économie a envoyé une fiche d'information aux commerçants leur indiquant que « l'e-ticket peut devenir une force marketing en l'utilisant comme canal de communication avec les visiteurs ». Cet enthousiasme est louable, mais le respect des données personnelles est ici mis à mal. En effet, selon la Commission nationale informatique et liberté (Cnil), un établissement a le droit d'envoyer des publicités à ses clients après avoir récupéré leur numéro de téléphone ou leur e-mail. Pour cela, il n'est même pas nécessaire que le commerçant ait un accord écrit ni que le client soit informé clairement par oral au moment du passage en caisse. Un simple affichage informatif suffit. La Cnil impose toutefois que soit intégré au message publicitaire un lien pour se retirer de la liste de diffusion.
Mais les risques ne s'arrêtent pas là. La tentation sera grande, pour les enseignes, de revendre les données personnelles – à savoir non seulement les coordonnées de contact, mais aussi les habitudes de consommations – à des tiers, experts en marketing en tête. Un consentement écrit est alors nécessaire, mais aucune sanction ne sera émise si le consentement est oral. Or, comment prouvé que l'on n'a pas donné son autorisation ? Comment un client saura quel commerçant a revendu ses données ? Ces questions restent ouvertes et ce sera au consommateur de rester vigilant.