Le 18 janvier dernier, à la surprise générale et laissant sur le carreau de nombreux éditeurs, Google a décidé de brutalement fermer son service de jeux vidéo dans les nuages, Stadia. Devant le manque d'intérêt du public, la firme de Mountain View avait alors préféré limiter l'hémorragie. Mais Stadia n'est pas mort et fait même son retour à travers une intégration dans YouTube. Il sera donc bientôt possible de jouer directement sur la célèbre plateforme de streaming.
Cela restera comme l'un des échecs les plus retentissants de l'année. L'un des plus puissants GAFA, Google, est pitoyablement échoué à prendre position dans le domaine du jeu vidéo. En mars 2019, à la Game Developers Conference, Sundar Pichai, le grand manitou d'Alphabet (le groupe englobant Google et ses filiales), annonçait le lancement d'une nouvelle expérience de jeu vidéo par Google. Celle-ci promettait aux utilisateurs d'accéder à une grande bibliothèque de jeux sans se préoccuper du matériel utilisé, permettant de jouer n'importe où avec une simple connexion internet, tout étant géré par les serveurs de Google. C'était une alternative attrayante à l'achat d'un ordinateur, dont les coûts ne cessent d'augmenter, ou à celui d'une console de nouvelle génération, en contrepartie d'un abonnement mensuel modeste. De plus, il était prévu d'intégrer des fonctionnalités comme la diffusion en direct sur YouTube. Dès le lancement de Stadia en novembre 2019, le service a déçu : il manquait de fonctionnalités, offrait une définition médiocre, une compatibilité douteuse et une connexion instable. Face à des concurrents bien établis comme Steam, Xbox GamePass, PlayStation et Nintendo, le maigre catalogue de jeux de Google n'attire pas les joueurs. Malgré ses ambitions initiales, y compris l'ouverture de son propre studio de développement, et des investissements très lourds pour s'offrir de belles exclusivités, Google ferme son studio en 2021 puis Stadia en janvier dernier. La douche froide est totale : de nombreux éditeurs ont investi des ressources pour rendre leur catalogue compatible. Pire, quelques semaines avant que la décision ne soit prise, les responsables affirmaient encore que les rumeurs de la fermeture de Stadia relevaient… de la théorie du complot. Depuis, Stadia a rejoint le grand cimetière des projets abandonnés par Mountain View, ironiquement référencés sur le site killedbygoogle.com.
Une greffe sur YouTube
Google avait toutefois d'autres plans, gardés secrets. L'idée était de prendre acte de l'échec de Stadia en tant que service indépendant et d'utiliser la technologie afin d'intégrer des services existants, en l'occurrence YouTube. Des rumeurs concernant ce projet de greffe avaient déjà émergé en juin. Le Wall Street Journal faisait état de tests par Google de l'intégration de jeux d'arcade sur YouTube. L'objectif apparent serait de diversifier les offres de la plateforme à une époque où la croissance de la publicité en ligne marque le pas et où Google est attaqué de toute part, entre les plateformes de streaming concurrentes et l'explosion des intelligences artificielles génératives, comme ChatGPT. Cette fois-ci, c'est le géant américain lui-même qui a confirmé ce qui jusqu'alors n'étaient que des bruits de couloir. Pour commencer, la firme va lancer les « Playables », permettant aux utilisateurs de jouer à des jeux vidéo directement sur la plateforme YouTube, que ce soit via un ordinateur de bureau ou un appareil mobile. Tout ce qui possède un écran et une connexion internet pourra avoir accès au catalogue de jeu. Pour le moment, cette fonctionnalité est accessible à un nombre réduit d'utilisateurs et la liste des jeux est réduite. Google ne souhaite pas renouveler l'erreur de Stadia et va procéder par petites itérations. Si cette première expérience s'avère concluante, les utilisateurs découvriront bientôt une nouvelle section dédiée sur leur flux d'accueil YouTube, en plus des lives ou encore de la musique. Le jeu vidéo reste un formidable vecteur de croissance et Google ne peut pas se permettre d'être totalement absent du secteur. C'est d'autant plus crucial, que d'autres acteurs, comme Netflix, affûtent déjà leurs armes dans le domaine.