Epic Games défie Apple et Google : sa boutique d'applications arrive sur mobile après des années de bras de fer

Après quatre ans d'absence et une bataille juridique acharnée, Epic Games, l'éditeur de Fortnite, bouscule l'industrie mobile en lançant sa propre boutique d'applications sur iOS et Android. Cette initiative, rendue possible par une nouvelle législation européenne, est un véritable séisme dans l'écosystème des applications mobiles longtemps verrouillé par Apple et Google. Explications.

Après une bataille juridique acharnée, Epic Games, l'éditeur de Fortnite qui voulait la peau d'Apple et qui s'est fait exclure des stores, fait son grand retour sur les smartphones. L'incontournable géant du jeu vidéo lance sa propre boutique d'applications sur iOS et Android, défiant ainsi l'hégémonie de la Pomme et de la firme de Mountain View sur leurs terres : les stores de leurs appareils. Cette initiative, rendue possible grâce à une nouvelle législation européenne, marque un tournant dans l'écosystème des applications mobiles et promet de redessiner les contours d'un marché longtemps verrouillé par les géants de la tech.

Le choc des titans

C'est le 16 août 2024 dernier que Tim Sweeney, le charismatique PDG d'Epic Games, a officialisé cette nouvelle ère lors d'une conférence de presse, qualifiant ce moment de tournant majeur : « le vent tourne et l'écosystème mobile s'ouvre enfin à la concurrence ! ». L'Epic Games Store, déjà bien établi sur PC et Mac, étend ainsi son influence dans l'univers mobile, offrant une alternative aux stores officiels d'Apple et Google. Cette expansion stratégique vise à reconquérir les millions de joueurs mobiles dépendant des nombreux rebondissements de la bataille juridique titanesque qui a éloigné Fortnite des mobiles depuis 2020. Ce lancement parachève en effet quatre années d'un bras de fer acharné entre Epic Games et les géants de la tech. Le conflit a éclaté suite à la tentative d'Epic Games de contourner les commissions de 30 % imposées par Apple et Google. Face à ce retrait brutal, l'éditeur a riposté en intentant procès sur procès, accusant les deux firmes de pratiques monopolistiques. Si la justice américaine n'a pas donné raison à Epic contre Apple, elle a néanmoins reconnu Google coupable d'un « monopole illégal » en décembre 2023. Parallèlement, l'entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) européen en mars 2024 a joué un rôle crucial. Cette législation, saluée par Tim Sweeney comme une avancée majeure, contraint désormais Apple et Google à autoriser les boutiques d'applications tierces sur leurs plateformes. On se souvient également que Spotify avait, un temps, souhaité échapper à la gabelle d'Apple… avant de faire machine arrière craignant de trop lourdes répercussions économiques si l'application disparaissait de l'écosystème de Cupertino. Au-delà de ses titres emblématiques, la boutique promet de proposer un catalogue diversifié de jeux et d'applications tierces.

Une brèche est ouverte

Malgré cette victoire, Epic Games fait face à des défis techniques et commerciaux considérables. L'installation de l'Epic Games Store sur iOS s'avère particulièrement complexe, nécessitant une quinzaine d'étapes et le contournement de multiples avertissements dissuasifs d'Apple. Cette procédure, connue sous le nom de « sideloading », pourrait rebuter de nombreux utilisateurs habitués à la simplicité de l'App Store. Sur Android, bien que le processus soit plus aisé, il requiert toujours un téléchargement direct depuis le site d'Epic Games plutôt que via le Play Store. Apple, pour sa part, maintient une posture défensive, soulignant ses efforts pour protéger la vie privée et la sécurité des utilisateurs face à ces nouvelles options. L'enjeu pour Epic Games est désormais de convaincre les joueurs de franchir ces obstacles techniques pour accéder à leurs jeux et applications phares. Quoi qu'il en soit, l'introduction de l'Epic Games Store et d'autres potentielles boutiques alternatives pourrait avoir des répercussions financières significatives pour Apple et Google. Ces mastodontes tirent des revenus considérables des commissions prélevées sur les transactions effectuées via leurs stores officiels - estimées à plusieurs milliards de dollars annuellement. C'est une première brèche dans laquelle s'engouffreront certainement d'autres acteurs.