L'abandon de poste aurait-il été trop permissif ? Alors qu'il imposait jusqu'alors un licenciement donnant droit à une indemnisation par l'Assurance chômage, il donne désormais lieu à une présomption de démission empêchant ces allocations.
Lorsque les relations se tendent à l'excès entre salarié et employeur, la rupture du contrat de travail semble parfois inévitable. Hélas, elle ne se fait pas toujours de façon propre. Auparavant, l'abandon de poste était notamment utilisé comme un moindre mal pour quitter une entreprise, tout en profitant de ses droits au chômage. Ce n'est toutefois plus possible. Explications.
L'ultime recours
Un sondage de l'Unedic paru en juin 2023 estime que 82 000 personnes ayant abandonné leur poste en 2022 ont ouvert un droit à l'Assurance chômage, soit 5 % des ouvertures de droit cette année-là. Dans le détail, on apprend que la majorité de ces situations concerne des ruptures de contrat à durée indéterminée (CDI), essentiellement réalisées avant 40 ans (80 % des cas) et ayant donné lieu à un licenciement pour faute grave.
En ce qui concerne les motivations des employés : « Elles peuvent être liées aux conditions de travail, au souhait du salarié de se reconvertir ou encore à des problèmes de mal-être ou de harcèlement.» Plus révélateur, les réponses des allocataires interrogés en novembre et décembre 2022 indiquent que ces abandons de poste « sont la plupart du temps précédés d'un refus par l'employeur de signer une rupture conventionnelle ». Plus encore, « la moitié d'entre eux sont réalisés en accord avec l'employeur, voire, pour 23 % des cas, suggérés par ce dernier », d'après cette étude.
Un intérêt financier
Ces situations ne sont pas si étonnantes. Rappelons en effet que pour prétendre aux allocations-chômage, il faut avoir été licencié ou opter pour une rupture conventionnelle. À l'inverse, une démission ne donne droit à rien, à moins qu'elle soit considérée comme « légitime » ou vise un projet de reconversion professionnelle dûment validé par Pôle emploi. Or, les procédures de rupture coûtent cher aux entreprises puisque le salarié a droit à plusieurs indemnités légales. Certains employeurs préfèrent alors parfois garder un salarié mécontent plutôt que de lui accorder une fin de contrat convenable.
C'est dans ce contexte que l'abandon de poste servait jusqu'à récemment de sortie de secours. À partir de deux jours consécutifs d'absence injustifiée, il est en effet possible d'engager une procédure de licenciement pour faute. Or, si la faute simple ne change rien aux sommes dues, la faute grave prive le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis mais pas de celles versées au titre des congés payés ni des droits au chômage. De quoi permettre à un employé de ne pas partir sans rien et à son patron de payer le moins possible…
Changement de règle
Cette voie de secours a toutefois été supprimée par la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Depuis le 19 avril 2023, date d'entrée en vigueur de la mesure, les salariés qui abandonnent leur poste sont en effet présumés être des démissionnaires. Ce n'est cependant pas automatique.
Pour cela, il faut que l'employeur vous ait mis en demeure de justifier votre absence et de reprendre votre poste, au moyen d'un courrier recommandé ou d'une lettre remise en main propre contre décharge. Vous avez alors 15 jours minimum pour vous expliquer et reprendre votre travail. Une raison légitime peut notamment permettre de justifier cette absence et de poursuivre votre contrat (raisons médicales, exercice du droit de grève, modification de votre contrat par l'employeur, etc.). Ce n'est qu'à défaut de réponse dans le délai imparti que votre départ sera assimilé à une démission, vous privant ainsi d'indemnités de rupture (mais pas de congés payés) et de droits au chômage.