TikTok est un véritable phénomène de société. En tout juste trois ans d'existence, l'application star des 15-25 ans connaît un succès que n'ont jamais tutoyé les géants des réseaux sociaux, comme Facebook ou YouTube, à leurs débuts. La plateforme chinoise essuie pourtant aujourd'hui de nombreuses critiques, entre rapports de force géopolitiques et espionnage à grande échelle. L'Inde a décidé de bannir TikTok, les États-Unis pourraient suivre.
S'il y a une application qui a marqué les esprits ces dernières années, c'est bien TikTok. Le réseau social chinois, quelque part entre Snapchat et Instagram, a connu une croissance unique dans l'histoire du Net. Nous sommes en 2016, Tiktok s'appelle encore Musical.ly et séduit rapidement la jeunesse asiatique désireuse de se démarquer des spécialistes américains comme Snapchat, Facebook ou Instagram. Fin 2019, l'application compte plus de 500 millions d'utilisateurs actifs dans le monde et a été téléchargée 1,5 milliard de fois sur Google Play et l'App Store. Des chiffres qu'étaient loin d'avoir atteint ses intimidants rivaux. La crise sanitaire mondiale a amplifié ce phénomène ; les téléchargements atteignant 2 milliards en avril dernier et près de 400 millions de nouveaux comptes créés durant le premier semestre 2020.
Une prise en compte des inquiétudes
Face à un tel succès, de nombreuses critiques se sont rapidement abattues sur l'application. Au premier rang des inquiétudes, on retrouve la surexposition des mineurs, cibles privilégiées de tous les prédateurs du web. Cette crainte est justifiée, mais vaut pour l'ensemble des plateformes sociales où sont partagées des vidéos et des photos. TikTok, qui permet de diffuser des vidéos de 15 secondes, n'est pas, dans ce domaine précis, plus ou moins dangereux que Snapchat, WhatsApp ou Facebook. Les développeurs semblent être conscients que leurs utilisateurs sont très jeunes. De nouvelles fonctionnalités, comme la gestion du temps d'écran, le filtrage ou la suppression de la messagerie privée ou encore un mode restreint qui bloque les contenus inappropriés, ont fait leur apparition. Tout parent se doit donc d'être vigilant, mais il n'a pas lieu d'être plus méfiant qu'avec un autre réseau social quant à la sécurité.
Données personnelles et enjeux géopolitiques
C'est cependant sur un autre terrain que TikTok semble jouer une partition trouble. Les experts en sécurité sont formels : l'application n'est pas très regardante sur la vie privée de ses utilisateurs. Pire, le réseau social a tendance à piocher allégrement dans leurs données personnelles et à tout envoyer à ses serveurs. Les Anonymous ont jeté un pavé dans la mare. Un des comptes officiels du groupe de hackers a lancé un laconique « supprimez TikTok ». Un peu plus tard, l'auteur explique que l'application transmet bien plus d'informations que tous les autres réseaux réunis. Comparer l'application à ses rivales revient à comparer « une tasse d'eau à l'océan », conclut-il toujours sur Twitter. Alors que le service s'appelait encore Musical.ly, la société mère ByteDance avait été condamnée à payer une amende de près de 6 millions de dollars après avoir illégalement collecté les données d'enfants de moins de 13 ans. Autre temps, mêmes mœurs : en mai dernier, vingt groupes de défense des consommateurs ont déposé plainte auprès de la Federal Trade Commission, l'organisme chargé de réguler le commerce américain, pour exactement la même raison. Il n'en fallait pas moins pour nourrir les belligérants dans la guerre économique que se livrent les États-Unis et la Chine. Le gouvernement américain envisage en effet d'interdire l'application sur son territoire. « C'est quelque chose que nous étudions » a affirmé le Président Donald Trump lors d'une interview télévisée. Les États-Unis suivraient alors l'Inde qui est passée à l'acte. Suite à une flambée des tensions entre l'armée des deux pays à la frontière himalayenne, les autorités indiennes ont décidé de bannir 59 applications chinoises, dont TikTok. « Cette décision vise à assurer la sécurité et la souveraineté du cyberespace indien », a déclaré le ministère des Technologies de l'information dans un communiqué. La guerre autour de TikTok ne fait que commencer.