Antoine Barsi est psychologue clinicien spécialisé dans le développement de l'enfant et de l'adolescent. Pour les aider à traverser certaines situations difficiles, ce féru de jeux vidéo utilise de vieilles consoles et leur fait découvrir des classiques de l'histoire vidéoludique. Entretien.
Le passage de l'enfance à l'âge adulte est toujours une période délicate. L'adolescent est confronté à des situations et des problèmes qui le dépassent et qui poussent certains à s'enfermer jusqu'à se trouver au pied d'un mur qui lui paraît infranchissable. Souvent, le jeu vidéo fait alors office d'échappatoire, avec ses propres limites et pièges. Pour Antoine Barsi, psychologue clinicien à Villejust dans l'Essonne (91), le jeu vidéo peut-être aussi un excellent média pour surmonter ces passages délicats.
Antoine Barsi, vous êtes psychologue clinicien spécialisé dans le développement de l'enfant et de l'adolescent. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier ?
Mon métier de psychologue consiste à accompagner les enfants et les adolescents dans cette période particulière de leur vie. Je les accompagne dans la compréhension de ce qui peut entraver leur bien-être à la maison (avec les parents ou les frères et sœurs), à l'école (avec l'enseignant ou les camarades) ou au quotidien. Je m'évertue à leur expliquer qu'ils ne sont pas là parce qu'ils ont un problème, mais parce qu'ils font face à une situation. Ils ont en eux la force de la surmonter et je leur montre comment. Un peu comme maître Yoda dans Star Wars !
Vous avez mis au point une méthode basée sur la thérapie par le jeu, et plus particulièrement par le rétrogaming, Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'ai eu la chance de découvrir, au cours de ma formation de psychologue, des textes de Donald D. Winnicott, en particulier Jeu et réalité (1971). L'utilisation du jeu en thérapie permet au jeune d'être dans une situation de plaisir, qu'il connaît (le jeu) et qu'il va apprendre à maîtriser (le je) pour évoluer. Depuis un an, grâce à mon collègue et confrère Bruno Berthier, l'un des pionniers de la thérapie avec jeux vidéo, j'ai pu créer, dans notre cabinet, une « rétrogaming room », une salle qui ressemble à une chambre d'adolescent des années 90, dans laquelle le jeune patient va pouvoir travailler. On passe du vieux divan au canapé face à la console en quelque sorte ! Dans cette salle, on peut retrouver la PlayStation 1, une télévision cathodique et des goodies des années 90. Le rétrogaming permet un décalage dans le temps. Cet aspect me paraît essentiel car les patients n'ont pas l'habitude de jouer aux titres proposés, ils sont bien trop jeunes pour les avoir connus. Ils se retrouvent ainsi face à une configuration des manettes (flèches directionnelles et non joystick) déstabilisante, face à des graphismes d'un autre temps et, surtout, face à des univers que leurs parents ont certainement connus. Cette situation permet au jeune de se retrouver dans une sorte d'espace-temps suspendu sur lequel il va projeter des émotions, des désirs, des frustrations (la difficulté des premiers jeux est intéressante pour cela). C'est une matière idéale pour travailler.
Comment le jeu vidéo peut dépasser son aspect ludique pour atteindre un effet thérapeutique ?
Le jeu vidéo est un média comme les autres. Certains psychologues utilisent des jeux classiques, d'autres le dessin, moi j'utilise le jeu vidéo. Cette pratique fait partie intégrante de la vie des jeunes d'aujourd'hui (au point même qu'il a été intégré comme trouble par l'OMS). Travailler avec un outil que le jeune croit connaître est un privilège. C'est une porte d'accès vers lui. De plus, si l'avatar réussi c'est grâce au patient et s'il échoue, cela ne veut aucunement dire qu'il est « nul », comme on l'entend facilement et rapidement dans la « vraie vie », mais que sa façon de fonctionner dans une certaine situation n'est pas adaptée et qu'il faut la modifier.