Fini les applications généralistes qui s'improvisent coaches nutritionnistes : l'heure est à l'intelligence artificielle et au génie génétique. Les algorithmes prennent le contrôle de notre silhouette et vont nous dicter les aliments à prendre pour éliminer bourrelets et poignées d'amour en fonction de notre génome. Pour le meilleur et pour le pire.
Alors que les Saints de glace, qui ne se sont jamais aussi bien portés que cette année, tirent leur révérence pour céder leur place aux beaux jours, les injonctions diététiques refleurissent et la chasse aux confortables graisses glanées durant la saison froide et les agapes hivernales est ouverte. Comme par hasard, les applications « fitness » et « minceur » se multiplient et montent un à un les échelons des classements des téléchargements les plus nombreux sur les différents stores. Celles-ci vivent pourtant leurs dernières heures glorieuses.
Trop généralistes, trop informelles, pas assez précises, leur efficacité est toute relative. Les dernières études médicales sont formelles : chaque personne est régie par un métabolisme qui lui est propre et les aliments qui en font maigrir certaines peuvent avoir des effets inverses sur les autres. Bien souvent, quand les deux membres d'un couple font régime, on constate que l'un perd plus vite du poids que son compagnon ou sa compagne. C'est l'une des raisons pour lesquelles les régimes fonctionnent rarement. La démocratisation de l'accès au génome humain a permis de faire des avancées majeures dans le domaine de la nutrition. Une science spécifique est même née de ces progrès : la nutrigénomique. Spécialité à mi-chemin entre la médecine et l'informatique, elle a confirmé une intuition : nos modes de vie ne correspondent plus au patrimoine génétique que nous ont légué nos ancêtres préhistoriques. Sans oublier l'ensemble des facteurs qui modifient notre épigénétique.
L'intelligence du ventre
En 2012, Walter Wahli, endocrinologue et chercheur au Centre intégratif de génomique de l'Université de Lausanne, posait les bases de ce nouvel horizon de recherche : « l'idée est de manger en fonction de son génome ». Depuis, de nombreuses entreprises (Habit, embodyDNA, GenetiConcept, etc.) commercialisent des solutions capables de cibler avec précision les aliments qui correspondent à nos gènes et préconisent des repas personnalisés. La société canadienne Nutrigenomix propose, pour moins de 300 $ (270 €), l'analyse rudimentaire de 45 gènes afin de « permettre aux gens de découvrir comment ils métabolisent leurs aliments », promet le fascicule. Il s'agit de se nourrir plus en adéquation avec son être, non seulement pour éviter le surpoids et l'obésité, mais aussi pour éradiquer les maladies. Le gène CYP1A2, par exemple, présente certaines variantes qui entraînent un métabolisme lent du café, exposant ses porteurs à des risques plus élevés d'hypertension. Cette approche est aussi cruciale dans la lutte contre le diabète. Pour arriver à des résultats probants, il faut une quantité colossale de données génétiques. C'est la principale limite de cette démarche. Même si des approches, comme celle de la start-up française Foodvisor qui propose une application intelligente capable de reconnaître les aliments présents dans nos assiettes avec une simple photo, semblent intéressantes, aucune entreprise n'a accès à suffisamment de données pour que les prévisions des intelligences artificielles soient fiables à 100 %. Et c'est peut-être tant mieux : ouvrir notre patrimoine génétique à des acteurs privés est un sujet hautement sensible et peut entraîner d'importantes dérives. En outre, les problématiques du surpoids et des maladies liées à l'alimentation dépassent largement le cadre de la nourriture et sont polyfactorielles (stress, sommeil, prise de médicaments, hormones, antécédents, etc.). Enfin, se voir dicter son menu par un robot qui connaît nos gènes par cœur, porte un coup certain aux joies de la gastronomie. Là où il y a du gène, il n'y a pas de plaisir.