Twitter est en ébullition. Le réseau social se déchire depuis son rachat rocambolesque par l'insaisissable Elon Musk pour la modique somme de 43 milliards de dollars. De nombreux aficionados préparent ou achèvent leur migration. Voici tout ce qu'il faut savoir sur Mastodon, cette plateforme qui rêve de devenir la terre d'exil des utilisateurs du petit oiseau bleu.
Le feuilleton a passionné la planète tech. Elon Musk allait-il finir par tenir sa promesse d'acheter la totalité des actions Twitter à 54,20 dollars l'unité, pour la modique somme globale de 43 milliards de dollars ? Après s'être désisté, l'inénarrable patron de Tesla et de Space X a finalement signé ce chèque rocambolesque, sans doute conscient que la justice, saisie par les dirigeants du réseau social, n'allait pas l'autoriser à se dédire. Or, Elon Musk est ouvertement un grand partisan de la liberté d'expression dans sa forme la moins limitée possible. De nombreux utilisateurs de Twitter craignent que cette prise de pouvoir se concrétise sur la plateforme par un déferlement de violence, de propos illégaux ou de harcèlement. Orphelins du petit oiseau bleu, ces « twittos » cherchent une terre d'accueil plus hospitalière, loin du Far West que pourrait devenir le service de microblogging. De plus en plus nombreux sont ceux qui l'ont trouvé avec Mastodon, l'alternative la plus sérieuse à Twitter.
Décentralisé et non-intrusif
Créée en 2016, cette plateforme est un réseau social dont l'ADN est finalement assez proche de celui de Twitter. Il est possible d'y poster des messages faisant moins de 500 caractères, de s'abonner aux publications d'autres comptes ou de partager des posts. La principale différence est à chercher du côté du principe fondateur de Mastodon. Le code source du réseau est libre et open source : n'importe qui peut le consulter et le modifier. Eugen Rochko, un jeune développeur allemand, a porté à bout de bras ce projet depuis six ans. Ce brillant informaticien a toujours souhaité que Mastodon reste une association à but non lucratif dont l'architecture, décentralisée par nature, s'articule autour de 2 400 serveurs à travers le monde. Les financements sont issus de dons et aucune publicité n'est tolérée.
La grande force théorique de Mastodon est qu'aucun algorithme n'interfère dans le contenu qui est présenté aux utilisateurs. Sa principale faiblesse est sa complexité. Mastodon est en effet l'agrégation de communautés autonomes, ouvertes ou non au public, modérées par ceux parmi leurs membres qui ont les autorisations nécessaires, et non par un système de modération central comme sur Twitter. Contrairement au petit oiseau bleu où les échanges passent par les serveurs de l'entreprise, tout se déroule ici sur les nœuds locaux. Il convient donc de choisir, au moment de s'inscrire, un serveur parmi plusieurs milliers, en fonction de ses affinités ou de critères géographiques. Chacun est administré par un groupe ou une personne différente. Pour un utilisateur novice, ce parti pris est déroutant. Là où Twitter serait un continent, Mastodon ressemblerait davantage à un archipel.
La grande migration ?
Attention, le secret des correspondances n'est pas davantage garanti sur Mastodon que sur Twitter. Même les messages destinés à une seule personne peuvent être lus par les administrateurs du serveur. Il n'y est pas possible, non plus, d'authentifier l'identité d'une personne, à l'image de la fameuse puce bleue de Twitter qu'Elon Musk veut rendre payante. De même, deux « mastonautes » sur deux serveurs différents peuvent avoir le même pseudonyme. S'il atteint une taille critique, Mastodon devra ainsi trouver un moyen de lutter contre l'usurpation d'identité et les faux comptes. Ce jeune réseau social est donc bien plus ambitieux que Twitter dans son architecture, mais cette ambition est également un frein.
Pour le moment, l'exode est net, mais relatif. Le 22 octobre, peu avant l'annonce du rachat de Twitter, Mastodon comptait 4,5 millions de comptes utilisateurs. Deux millions de nouveaux membres actifs l'avaient rejoint début novembre. C'est à la fois beaucoup pour la plateforme, mais peu pour Twitter, qui compte 395 millions de « twittos ». La passation de pouvoir n'est pas pour demain, mais le rapport de force évolue.
