Les grands noms des nouvelles technologies s'inquièteraient-ils pour notre sommeil ? Il faut dire que nous dormons de moins en moins. Face à ce constat alarmant, les objets connectés qui veillent sur nos nuits et autres technologies du sommeil prennent de l'ampleur. Pour quels résultats ? Voyage au cœur de la sleep tech…
Les autorités sanitaires tirent depuis de nombreuses années la sonnette d'alarme : nous dormons de moins en moins et de moins en moins bien. Selon l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) et l'Insee, le temps moyen que les Français passent à dormir est de 7 heures et 47 minutes. Un chiffre qui a diminué de 18 minutes chez les adultes et de 50 minutes chez les adolescents. Conscientes qu'il y avait là un important réservoir de croissance, de nombreuses start-up et grands noms du secteur ont placé leurs pas dans ceux de Morphée. À tel point que cette industrie de la « sleep tech » représente aujourd'hui quelque 76 milliards de dollars.
Ironie du sort, les chercheurs montrent que ce sont les écrans de nos tablettes et de nos smartphones, en particulier leur lumière bleue, qui seraient en partie à l'origine de nos troubles et qui viendraient ajouter leurs effets néfastes à ceux d'une vie moderne stressante. Selon l'INSV, 40 % des Français utilisent l'ordinateur, la tablette ou le smartphone le soir, dans leur lit, avant de se coucher.
Les nouvelles armes de Moprhée
Si l'hyperconnexion encouragée par les acteurs des nouvelles technologies met à mal nos nuitées, cela n'empêche pas ces dernières de proposer des solutions en tout genre. On trouve ainsi des applications mobiles, comme Sleep Cycle Alarm Clock, Sleep Better, Sleep Time, Sleep as Android, ou encore Sleep Doctor qui, toutes compatibles avec les appareils Apple ou Android, tentent de mesurer la qualité du sommeil de leurs utilisateurs afin de leur prodiguer conseils et codes de bonne conduite. Grâce aux statistiques qu'elles recueillent, elles parviennent à cibler les heures de coucher et, surtout, de lever – en phase de sommeil léger – optimales.
On retrouve également un vaste panel de montres et de bracelets connectés, labellisés Apple, Jawbone, Fitbit, Sony ou Withings, qui poussent grâce à leurs capteurs l'analyse du sommeil un peu plus loin. Viennent ensuite les objets connectés spécialisés, comme le Withings Aura, le SleepSense de Samsung et la sangle Beddit (rachetée par Apple), qui prennent place sous le matelas ou sous l'oreiller. Certains dispositifs, comme le « Withings Sleep », promettent même de mesurer la fréquence cardiaque, de détecter les ronflements et de suivre les mouvements pour mieux cerner les différentes phases du sommeil. Ils s'intègrent aux systèmes domotiques modernes pour allumer des ampoules intelligentes à la luminosité proche de celle du lever ou du coucher du jour. Ces objets peuvent aussi ordonner à un thermostat de faire grimper ou descendre la température de la chambre. Le bandeau Dreem, signé Rythm (une start-up française), va jusqu'à envoyer des impulsions au cerveau tandis que le SmartSleep de Philips émet du bruit blanc censé favoriser l'endormissement. Sans oublier les gadgets qui diffusent un parfum particulier selon les heures de la nuit.
Les scientifiques sceptiques
Si les pistes étudiées par ces objets de plus en plus nombreux sont intéressantes, les scientifiques spécialisés dans le sommeil restent méfiants. Ils reprochent notamment aux entreprises de ne pas transmettre les données brutes des études qui leur permettent d'affirmer que leurs produits sont efficaces. Le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre, experte en médecine du sommeil et présidente du Réseau Morphée, va plus loin et souligne que les capteurs vendus sur le marché ne sont absolument pas assez sensibles pour être d'une quelconque précision, à moins d'avoir étudié le sommeil de centaines de patients de tout âge durant de nombreuses années afin de peaufiner les algorithmes, ce qui demanderait des investissements colossaux.
En revanche, la plupart des spécialistes sont unanimes : si ces objets peuvent avoir un effet réconfortant, même placebo, c'est toujours bon à prendre. À condition que l'analyse du sommeil ne devienne pas une obsession. Dans tous les cas, il convient de traiter la cause des insomnies et non le symptôme seul. Et là, il n'y a encore qu'un bon vieux médecin de chair et d'os qui puisse intervenir !