Addiction, déscolarisation, rupture des liens familiaux… le jeu vidéo charrie toujours son lot d'images négatives. Le psychologue Michaël Stora ne partage pas cette vision des choses. Ce passionné de cinéma et de jeux a fondé l'École des héros, un lieu où viennent se soigner, grâce à cette pratique, des enfants souffrant de troubles psychologiques tels que la phobie scolaire. Entretien.
Michaël Stora n'est pas de ceux à accuser le jeu vidéo de tous les maux. Ce psychologue, qui fut cinéaste dans une autre vie, connaît les difficultés de l'enfance et de l'adolescence. Pour lui, ce loisir peut être un formidable outil thérapeutique. C'est dans cette optique qu'il a ouvert l'École des héros. Le spécialiste nous en dit plus.
Vous avez un double parcours professionnel, pourquoi et comment êtes-vous passé du 7e art à la psychanalyse ?
J'ai commencé comme scénariste. Je travaillais alors sur le comportement et les troubles de l'humain. La psychologie et le cinéma ont plus de points communs que vous ne le pensez. Nous pouvons observer dans de nombreux films différentes théories psychologiques. C'est un métier tout à fait passionnant que je continue à faire tout en exerçant la psychanalyse depuis vingt-six ans.
Est-il vraiment possible de soigner des enfants qui ont des problèmes liés aux jeux vidéo par ces mêmes jeux ?
Ce sont d'excellents espaces pour déculpabiliser et redevenir « inter-acteur » d'une situation difficile ou traumatisante. Je soigne des enfants et des adolescents en grave échec scolaire ou ayant des troubles importants du comportement. Il faut donc trouver une médiation, une ruse pour les aider à aborder ce qui les inquiète où les traumatise. C'est là qu'intervient ma thérapie avec le jeu vidéo. Le gaming ne coupe pas du monde, il permet une re-création. Il n'appauvrit pas l'imaginaire, au contraire, il le fait émerger à des endroits où on ne l'attend pas.
Vous êtes l'initiateur du projet l'École des héros. Pour quelle raison avez-vous fondé cette structure ?
Depuis très longtemps, je reçois dans mon cabinet des jeunes qui ont des phobies sociales ou sont en décrochage scolaire, ainsi que des jeunes HPI [haut potentiel intellectuel, N.D.L.R.] brillants mais qui, pour des raisons humaines, se retrouvent à désinvestir l'école et à développer une phobie scolaire. Comment les aider ? J'ai vu beaucoup de mes collègues addictologues et psychiatres traiter ce type de patients en les hospitalisant. Il me semble plus intéressant de favoriser leurs compétences que de les figer dans une position de malades. Fort de mes convictions et devant la recrudescence de ce symptôme chez des adolescents de plus en plus jeunes, j'ai créé à Issy-les-Moulineaux l'École des héros.
Il s'agit de proposer un accompagnement pédagogique personnalisé à travers la réalisation d'un jeu vidéo comme facteur d'inclusion sociale, avec des activités de médiation thérapeutiques autour de la créativité. Nous avons réalisé cette année une première expérimentation très concluante qui s'est déroulée sur six mois à plein temps avec des adolescents. Nous avons travaillé avec deux professeurs de game design, cinq psychologues, un coach spécialisé dans l'accompagnement des atypiques qui dirigeait un atelier de jeu de rôle, une psychologue qui animait en anglais et j'ai moi-même réalisé de la médiation thérapeutique par les jeux vidéo.
Quel est le programme pour la rentrée ?
Pour les enfants déscolarisés, le programme reprendra sur six mois renouvelables, en fonction de la demande. Et pour les enfants scolarisés, nous proposerons des activités le samedi ou des semaines de « stage » pendant les vacances scolaires. Nous allons aussi organiser un soutien à la parentalité et pour ceux qui le souhaitent des thérapies familiales, afin d'aider les familles à mieux aborder cette problématique et à accompagner leur enfant à travers cet épisode de vie particulièrement difficile.