Le projet de loi Sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 10 avril dernier, entend apporter des réponses aux dérives d'internet en renforçant la protection des utilisateurs, notamment des plus jeunes. Mais ce texte, qui se veut ambitieux, suscite également de vives inquiétudes quant à ses possibles atteintes aux libertés fondamentales. Décryptage d'une loi qui divise.
Le projet de loi Sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 10 avril dernier, marque une étape importante dans la volonté du législateur de mieux encadrer l'espace numérique. Ce texte ambitieux se donne pour mission de protéger les plus vulnérables, notamment les mineurs, face aux dérives d'internet. Parmi les mesures phares, la loi impose aux sites pornographiques de mettre en place une vérification d'âge efficace, sous peine de voir leur accès bloqué par les autorités. Les plateformes auront trois mois pour se conformer aux exigences techniques établies par l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Par ailleurs, le texte s'attaque au fléau des arnaques en ligne en déployant un filtre « anti-arnaque », qui alertera les internautes s'apprêtant à se diriger vers un site malveillant après avoir cliqué sur un lien frauduleux.
Protéger et sécuriser
La lutte contre la haine en ligne et le cyberharcèlement est également au cœur du projet de loi, avec un renforcement des sanctions pouvant aller jusqu'à une « peine de bannissement » des réseaux sociaux pour les auteurs de tels agissements. Enfin, pour faire face au défi de la désinformation, l'Arcom pourra ordonner le blocage sous 72 heures des sites miroirs de médias étrangers diffusant de la propagande et frappés par des sanctions européennes. Le texte prévoit également des mesures pour réduire la dépendance des entreprises françaises aux géants américains du cloud et pour mieux réguler les locations touristiques et les jeux en ligne. En outre, les administrations et les opérateurs de l'État doivent stocker leurs données sensibles sur des solutions cloud françaises certifiées SecNumCloud. Avec ce projet de loi, le gouvernement et le législateur affichent leur détermination à adapter notre droit aux évolutions du numérique, afin d'en faire un espace plus sûr et plus responsable pour tous les citoyens.
Inquiétudes et critiques
En tout cas sur le papier. De vives critiques se sont rapidement élevées concernant ses potentielles dérives. Au cœur des débats, la mesure phare de vérification d'âge pour l'accès aux sites pornographiques cristallise les tensions. Si l'objectif affiché est de protéger les mineurs contre l'exposition à des contenus inadaptés, nombreux sont ceux qui y voient une remise en cause pure et simple de l'anonymat en ligne, principe fondateur d'internet et garant de la liberté d'expression. Autre pomme de discorde : l'obligation faite aux hébergeurs de retirer en moins de 24 heures certains contenus signalés, sous peine de lourdes sanctions. Les opposants au texte craignent qu'une telle disposition n'encourage une forme de censure automatisée, où les plateformes préféreront supprimer préventivement des contenus plutôt que de s'exposer à des amendes, sans réel contrôle humain ou judiciaire. L'introduction d'un délit d'outrage en ligne interroge également : en s'écartant des garanties offertes par la loi sur la liberté de la presse de 1881, ce nouveau délit pourrait ouvrir la voie à une judiciarisation accrue de la parole sur internet, déjà au cœur de batailles de plus en plus fréquentes devant les tribunaux. Enfin, certains regrettent une vision parfois réductrice des internautes, perçus comme des êtres à protéger d'eux-mêmes, ainsi qu'un manque de pédagogie sur des mesures techniques complexes. Autant de griefs qui illustrent la difficile recherche d'équilibre entre régulation nécessaire et respect des libertés individuelles dans l'espace numérique.