La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) vient de publier une étude qui cartographie le monde interlope de la piraterie sur le web. Tour d'horizon.
La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) fête cette année ses dix ans. Créée à l'époque où le peer-to-peer (eMule, Bittorrent, etc.) régnait en maître sur le côté obscur de la Toile et le monde du téléchargement illégal, elle est devenue le premier témoin de l'évolution des pratiques les plus en vogue chez les fameux « pirates ». Des changements drastiques qui expliquent une partie de l'inefficacité qui lui est aujourd'hui reprochée.
Avec un budget de 9 millions d'euros par an depuis 2008, l'action de la Hadopi a entraîné la prononciation de 101 amendes, 62 ordonnances pénales et 625 alternatives aux poursuites, pour une moyenne de contravention de 300 €. La Hadopi, qui voit son nombre de signalements plafonner à 70 000, a beau rétorquer que son principal rôle est de faire de la prévention, les ayants droit demandent un renforcement des mesures et les associations de défense des libertés sur la Toile souhaitent purement et simplement sa suppression au vu de son utilité relative.
Ainsi, pour obtenir des moyens d'action plus importants et un arsenal davantage en phase avec les pratiques actuelles, la Hadopi a-t-elle réalisé une cartographie complète de l'écosystème de la piraterie sur internet.
Un monde en mouvement
Pour réaliser cette étude, la Hadopi est partie des utilisateurs finaux, les internautes. La consommation de contenus illégaux se concentre majoritairement sur les films – 55 % des internautes en consommeraient au moins occasionnellement –, les séries (50 %) et les livres (36 %). Les jeux vidéo et la musique sont à la marge de cette piraterie massive (moins de 30 %). Des chiffres qui prouvent une chose : lorsqu'une offre légale attractive est disponible (Spotify, Deezer, Apple Music, Steam, Playstation Now, Xbox Game Pass, etc.), le téléchargement illégal diminue fortement.
Le visionnage en direct (« streaming ») rafle aujourd'hui la mise puisqu'il est cité par 68 % des 2 000 personnes interrogées dans le cadre de l'étude. Le téléchargement en direct se place désormais en seconde position (42 %), suivi par le partage par une personne tierce (36 %). Le peer-to-peer est en chute libre (35 %) tandis que les newsgroups ferment le cortège de la piraterie (3 %). L'étude révèle aussi que 3,6 % des internautes paient pour accéder à une offre illégale. Une situation bien différente de celle des années 2000 où la Hadopi fut créée : la surveillance porte principalement sur le peer-to-peer, alors majoritairement utilisé.
Des acteurs qui se diversifient
« Les sites de référencement de liens et les hébergeurs de contenus continuent d'être au cœur des pratiques illicites, de nombreux nouveaux acteurs se positionnent dans cet environnement. Des fournisseurs de services ont investi le champ de l'illicite, pour répondre aux besoins spécifiques des acteurs contrevenants, ou se sont spécialisés dans ce secteur », explique la Hadopi.
La Haute Autorité pointe principalement certaines régies publicitaires qui se sont spécialisées dans ce marché noir et qui gèrent, par exemple, les encarts pubs présents sur les sites illégaux. Or, depuis 2015, les professionnels du secteur de la publicité se sont engagés, via une charte, à « identifier les sites contrefaisants et [à] les exclure des relations avec les professionnels du secteur, afin d'assécher leurs ressources financières ». La publicité est pourtant toujours la principale source de revenus de ces plateformes.
Les autres ressources proviennent de services facilitant la vie des pirates : augmentation du débit, levée de la limitation dans le temps du nombre de téléchargements, VPN, protocoles sécurisés, etc.
Enfin, un autre mode de contournement commence à prendre de l'ampleur : l'IPTV illicite. Il s'agit de boîtiers TV configurés pour donner un accès gratuit à des chaînes payantes. La piraterie a bien changé depuis la création de la Hadopi et celle-ci va devoir évoluer ou disparaître.