Deux lycées de la région Paca vont expérimenter, dès la rentrée, un dispositif de reconnaissance faciale permettant de gérer et de sécuriser l'accès à ces établissements. Un premier pas vers la généralisation de cette technologie qui soulève encore de nombreuses interrogations.
Pour sécuriser davantage les écoles et lycées, le gouvernement déployait un vaste arsenal législatif au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. De nouvelles mesures devaient être mises en place par les chefs d'établissements : vérification systématique des identités, fouille des sacs, surveillance à l'entrée grâce, notamment, à de la vidéosurveillance. Des élus veulent désormais passer à l'étape suivante. C'est le cas de Renaud Muselier (Marseille) et de Christian Estrosi (Nice) qui souhaitent associer le réseau de 1 300 caméras, déjà installées à proximité des lycées de la région Paca, à une technologie de reconnaissance faciale. Entre septembre 2019 et mars 2020, deux établissements, l'un situé dans la cité phocéenne, l'autre dans la cité des anges, vont expérimenter ce dispositif.
Cisco à la baguette
C'est l'entreprise américaine Cisco qui met gratuitement à sa disposition son système de reconnaissance faciale. La firme de la Silicon Valley a pris beaucoup d'avance dans ce domaine, notamment grâce aux investissements consentis dans l'intelligence artificielle. Le fonctionnement du dispositif est simple. Des portiques de sécurité sont placés à l'entrée des lycées. Lorsqu'un individu souhaite entrer, il passe son téléphone ou son badge muni d'un QR code devant un capteur qui envoie les informations à un serveur central. Celui-ci dispose de deux bases de données : l'une contenant les informations sur l'identité des personnes (non, prénom, identifiant, etc.) et l'autre ayant le « gabarit biométrique », en l'occurrence la cartographie des visages. Les photos fournies sont ainsi passées au crible par des algorithmes complexes.
Dans le poste de surveillance, les visages, suivis par les caméras disposées à des endroits stratégiques de l'établissement, apparaissent en vert lorsqu'ils sont reconnus et autorisés à circuler, orange lorsqu'ils sont inconnus mais passés par l'accueil, rouge lorsque ce sont des intrus. Ce dernier code déclenchera une alerte à destination des forces de sécurité. Selon les autorités locales, les soixante élèves, le personnel administratif et les enseignants des lycées tests se sont tous portés volontaires et ont fourni délibérément leurs données biométriques. Ces données sont anonymisées et, assurent les élus, ne sont transmises à aucun tiers.
Des questions de sécurité
L'objectif affiché de ce système est de « faciliter et réduire la durée des contrôles (pour les usagers réguliers du site comme pour les visiteurs), lutter contre l'usurpation d'identité, et détecter un déplacement non souhaité et suivre de l'alerte jusqu'à sa résolution », explique le communiqué régional annonçant sa mise en place. Renaud Muselier ajoute qu'aucune donnée personnelle n'est menacée : « la photo du visage est collectée, mais n'est pas traitée telle quelle : seuls les points de comparaison faciale déterminés par l'algorithme de comparaison seront comparés avec ceux stockés dans la base de données. Cette photo n'est pas non plus stockée. »
La reconnaissance faciale est certes en pleine expansion à travers le monde – on l'utilise quotidiennement pour déverrouiller un téléphone –, mais la technologie soulève toujours de nombreuses craintes. L'exemple de la Chine, où elle est utilisée massivement – payer dans le métro, surveiller les automobilistes, faire ses courses, etc. – en montre les limites. La ville de San Francisco vient, par exemple, d'en interdire le recours à la police. Les erreurs sont encore nombreuses. Les errements du système de reconnaissance faciale mis en place par la Ligue des Champions de football en Angleterre, qui a identifié à tort plus de 2 000 personnes comme des criminels, sont là pour en témoigner. Sans oublier les risques d'une utilisation abusive par une entreprise privée ou par un gouvernement à des fins politiques. Autant d'interrogations que l'expérimentation devra lever.