Lancée en 2017 par le milliardaire Elon Musk, la start-up Neuralink a fait d'importants progrès dans la création d'une puce informatique capable de se connecter directement au cerveau humain. Les premiers essais sur l'homme débuteront l'année prochaine.
Elon Musk n'est pas uniquement le patron visionnaire de Tesla et de SpaceX ou le fantasque trublion de l'industrie high-tech : il est aussi, depuis 2017, le fondateur de la start-up Neuralink, spécialisée dans le biomédical numérique. Le golden-boy sud-africain de 48 ans y a investi plus de 100 millions de dollars de sa fortune personnelle afin de doter l'entreprise d'une force de frappe estimée à 150 millions de dollars.
Tout droit sorti d'un livre de science-fiction, l'objectif était à l'époque d'offrir à l'humanité les moyens de rivaliser avec une éventuelle intelligence artificielle (IA). Elon Musk fait en effet partie de ces entrepreneurs de la Silicon Valley qui prédisent l'asservissement de l'homme par les machines dans les années à venir et qui redoutent les progrès de l'IA. Deux ans plus tard, l'entreprise basée à San Francisco en Californie a fait d'impressionnants progrès et s'est rapprochée de préoccupations plus concrètes.
À grande vitesse
L'idée d'un implant connecté au cerveau humain n'est pas nouvelle. Elle inonde la littérature fantastique depuis des décennies et irrigue la pensée transhumaniste de « l'homme augmenté », véritable religion en Californie. En 2006, une première expérience fut menée avec succès sur un cobaye, Matthew Nagle, qui fut capable de jouer au célèbre jeu Pong par la simple force de son esprit. Depuis, d'autres exploits ont jalonné ce secteur de la recherche. En 2018, deux ingénieurs japonais présentaient ainsi un bras robotique contrôlable par la pensée.
Mais la puce Neuralink va plus loin. Elle s'avère bien plus perfectionnée que celles utilisées dans le cadre des expériences précédentes. L'implant utilise en effet des fils en polymère très souples capables de s'adapter en permanence aux mouvements naturels du cerveau. Contrairement aux aiguilles rigides utilisées jusqu'alors, ils ne mesurent que quatre à six micromètre chacun, soit dix fois moins épais qu'un cheveu. Chaque fil intègre 32 électrodes, pour un total, dans la version actuelle, de 3 072 électrodes. C'est deux fois plus que les précédentes réalisations.
Le principal progrès est toutefois ailleurs : en seulement deux ans d'existence, la start-up a été capable de concevoir un robot chirurgien à même d'implanter le dispositif en moins de vingt minutes. L'une des limites à laquelle étaient confrontés les chercheurs jusqu'à présent était en effet la difficulté de « souder » des fils flexibles aux terminaisons cérébrales, rendant obligatoire le recours à des systèmes rigides. Le robot mis au point par Neuralink dépasse le problème avec brio. Le prototype actuel, posé avec succès sur des rats, fonctionne via une prise USB-C, mais la première version du capteur final communiquera sans fil. Les chercheurs ont pour ambition d'en implanter quatre : trois dans des aires motrices et une dans une aire sensorielle.
Soigner avant d'augmenter
« À terme, je crois que nous pourrons créer une interface cerveau-machine. Cela représenterait un immense progrès à l'échelle de notre civilisation, qui offre des possibilités pour nous faire fusionner avec une intelligence artificielle », s'est réjoui, le 16 juillet, Elon Musk lors de la présentation, sur les réseaux sociaux, des avancées de son projet.
Le chemin qui reste à parcourir est pourtant encore immense avant que la réalité ne dépasse la fiction. Pour connecter l'ensemble des colonnes corticales, il faudrait, par exemple, introduire 1 600 boîtiers, sans oublier le fait que le robot n'est pas encore capable d'atteindre les zones de repliement du cortex. Accessoirement, le fonctionnement de cette zone du cerveau et sa « carte » nous sont encore en très grande partie inconnus. En revanche, la puce Neuralink pourra, dans un futur très proche, venir en aide aux personnes souffrant de handicaps moteurs lourds, en leur permettant par exemple d'écrire.
L'idée de doter le cerveau d'une surcouche numérique à même de fondre l'humain et la machine par le truchement d'un maillage très fin fait son chemin, mais relève encore du rêve transhumaniste. Les applications médicales concrètes sont, elles, bien plus probables et plus proches que jamais : dès 2020, les essais sur l'homme débuteront.