Lors de son passage au Forum de la cybersécurité de Lille, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a confirmé que la carte d'identité numérique sera déployée dès 2021. Présentation d'un dispositif censé sécuriser la vie digitale des Français.
La dématérialisation des documents officiels s'accélère. Dès 2021, la carte nationale d'identité (CNI), dont la forme actuelle n'a pas évolué depuis le début des années 80, embrassera l'ère numérique. Un peu à l'image du permis de conduire, la CNI s'apprête à adopter le format d'une carte de crédit dotée d'une puce sans contact. Des informations biométriques, comme une photo du porteur et deux empreintes digitales, y seront stockées. Cette révolution numérique ne doit rien au hasard. L'Europe impose en effet à ses pays membres de renforcer ses moyens d'identification. De nombreux États de l'Union européenne ont déjà adopté la carte d'identité 2.0, à l'image de l'Espagne, de l'Allemagne, de l'Italie, des Pays-Bas, de la Belgique ou encore du Luxembourg. Dans le monde, plus de 60 pays sont passés à la version électronique. « Nous avons l'objectif que la carte d'identité numérique soit mise (en place) à partir de 2021 […] toujours avec ce souci d'équilibre entre la protection des données absolument indispensable, et en même temps la meilleure sécurité pour les usagers », a déclaré Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur, lors de son déplacement au Forum de la cybersécurité de Lille.
Sécurité, accessibilité, vie privée et liberté
Cette nouvelle venue servira aussi de sésame au portail France Connect, ouvrant l'accès à de nombreux services publics (impôts, Sécurité sociale, permis de conduire, carte grise, etc.). Aujourd'hui, ce sont quelque 12 millions d'usagers qui profitent régulièrement de la dématérialisation de l'administration française. L'objectif est d'en doubler le nombre. « Le numérique simplifie la vie de tous les Français, il est normal que l'État, le gouvernement, accompagnent cela », a expliqué Christophe Castaner. On peut imaginer qu'à terme ce document concentre d'autres informations, voire d'autres documents, comme la carte d'électeur, la carte Vitale, voire une carte de transports, comme c'est le cas dans de nombreux pays. Il est aussi envisageable que cette « e-CNI » serve de première pierre dans la construction d'un gouvernement plus proche des citoyens via, par exemple, le vote électronique. Il n'en demeure pas moins que de nombreux observateurs, défenseurs des libertés individuelles, craignent qu'une telle centralisation des données privées, accessibles facilement par les services de l'État, réduise nettement le champ des libertés individuelles. L'équilibre entre sécurité et liberté est toujours fragile lorsque l'on déplace certains curseurs. Le choix d'annoncer la date de déploiement de ce nouveau document, en l'occurrence fin août 2021, à un forum dédié à la cybersécurité n'a rien d'anodin. La sécurité même des données qui seront présentes sur la carte soulève bien des interrogations. Le ministre de l'Intérieur s'est montré sceptique face à ces critiques : « Quand c'est l'État qui est à la manœuvre, on se méfie, alors qu'à l'inverse avec tous les opérateurs privés […], on donne toute une série de données de vie privée sans jamais s'en préoccuper. » C'est oublier un peu vite que les grandes entreprises privées n'ont pas (encore) de pouvoir de police. Quoi qu'il en soit, cette CNI numérique est l'une des étapes dans la quête d'une identification régalienne forte. D'autres pistes sont en test, comme le controversé projet Alicem, qui introduit la reconnaissance faciale. Face à la méfiance que suscite une telle technologie, le ministre est resté prudent sur son avenir : « il n'y a pas de calendrier », a-t-il indiqué, avant d'ajouter que le seul sujet était « d'expérimenter, de tester et d'être opérationnel ensuite dans cet équilibre entre protection des données du citoyen et sécurité du dispositif ». L'équilibre s'annonce délicat à trouver.