Le jeu vidéo compétitif se rapproche de plus en plus des grandes disciplines sportives traditionnelles. Phénomène en croissance constante ces dernières années, l'e-sport a trouvé un nouvel allié de poids : l'Arabie saoudite. Grand fan de Call of Duty, le prince héritier Mohammed Ben Salmane vient d'annoncer que son royaume allait organiser, l'été prochain, la première Coupe du monde de sport électronique, avec une dotation record et un modèle calqué sur les Jeux olympiques.
L'Arabie saoudite consacre le rapprochement inexorable entre l'e-sport et les grands sports traditionnels, tels que le football, le tennis ou le rugby. Le royaume vient en effet d'annoncer que serait organisée à Ryad la première Coupe du monde de jeu vidéo compétitif, d'envergure comparable aux Jeux olympiques. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Gianni Infantino, l'omnipotent président de la FIFA, la fédération internationale de football, était présent lors de la cérémonie qui accompagna, le 23 octobre dernier, cette annonce retentissante. La discipline, qui a connu une croissance exponentielle au cours de la dernière décennie, se voit désormais reconnue à un niveau qui dépasse le cadre des communautés de joueurs et touche un public mondial. Cette nouvelle étape dans le développement de l'e-sport intervient alors que se tient déjà chaque année, en parallèle des JO, l'Olympic Esports Week, dont l'édition de Tokyo 2023, a été marquée par l'arrivée de l'inévitable Fortnite et ses 350 millions de fans. Grand amateur de jeux vidéo, et notamment de la licence Call of Duty, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, a affirmé son ambition de rassembler les titres les plus populaires et d'offrir la plus grande dotation jamais vue dans l'histoire du sport électronique. « La Coupe du monde d'e-sport est une étape naturelle dans le projet de l'Arabie saoudite de devenir le premier centre mondial des jeux vidéo et de l'e-sport », a déclaré le souverain lors de la présentation du projet.
Renforcer son soft power
Pour assurer la qualité de l'organisation et répondre à ces vastes ambitions, l'Arabie saoudite a fait main basse sur deux géants du secteur. En 2022, le fonds public saoudien Savvy Gaming Group, avait déjà racheté pour 1,5 milliard de dollars l'Electronic Sports League, dont les compétitions sont parmi les plus prestigieuses de la planète e-sport. Le 24 octobre dernier, la franchise Electronic Sports World Cup, qui donnera son nom à l'événement, était acquise au français Webedia. Le montant de la transaction n'a pas été révélé, mais cette valse de rachats témoigne de l'appétit de l'ogre saoudien. C'est Ralf Reichert, fondateur de l'ESL, qui a été désigné comme PDG de la nouvelle EWC afin de donner le plus de crédibilité possible au projet. Cette initiative s'inscrit dans le cadre plus large de la diversification économique du royaume, qui cherche à se positionner comme un acteur majeur du jeu vidéo et de l'e-sport, tout en exploitant l'influence culturelle de ces derniers pour renforcer sa puissance au niveau international. Mais la victoire culturelle est loin d'être acquise. Les réactions de la communauté de l'e-sport varient entre enthousiasme et scepticisme. Certains voient dans cet événement une reconnaissance bien méritée de la discipline et une opportunité d'exposition sans précédent qui sera bénéfique pour tous les acteurs du domaine, à commencer par les joueurs. D'autres, cependant, expriment des préoccupations légitimes face à la chappe de plomb sociale et politique sous laquelle la population est maintenue. Il est exclu que le royaume s'aligne sur les valeurs de diversité et d'inclusivité souvent promues dans l'e-sport, notamment en ce qui concerne la participation des femmes et des communautés LGBTQ+. Les précédents événements organisés dans le pays, comme le festival Gamers8, ont déjà suscité de vifs débats et des appels au boycott. Cette tension entre les valeurs de l'e-sport et les pratiques en Arabie saoudite met en lumière les défis éthiques et politiques auxquels l'industrie doit faire face alors qu'elle affiche une volonté de mondialisation croissante. La réussite de ce nouvel événement majeur dans le paysage sportif et vidéoludique dépendra en grande partie de la manière dont l'Arabie saoudite gérera ces questions.
