Dans un court article scientifique publié sur le site de la NASA, l'agence spatiale américaine, des chercheurs de Google ont annoncé avoir mis au point un calculateur quantique capable de résoudre des calculs inaccessibles aux ordinateurs actuels. Que se cache-t-il réellement derrière cette avancée majeure ?
Depuis quelques années, un mur se dresse devant les ingénieurs spécialisés dans les microprocesseurs. Les transistors sont devenus aussi petits que des atomes. La marge de progression est donc de plus en plus ténue. Les problèmes d'énergie et les lois qui régissent l'infiniment petit deviennent des obstacles qui apparaissent de moins en moins surmontables. Alors que l'ère technologique, à l'heure des objets connectés, des données de masse, de l'intelligence artificielle et des modèles complexes, est de plus en plus gourmande en capacité de puissance, les ordinateurs classiques commencent à tirer la langue. C'est là qu'intervient l'ordinateur quantique, censé faire sauter toutes les barrières de l'informatique moderne.
Une histoire de chat
Il convient de garder à l'esprit que nos ordinateurs ne sont rien de plus que des calculatrices binaires, extrêmement puissantes certes, mais au fonctionnement basique. Les machines gèrent des séries de 0 et de 1, un peu comme des portes ouvertes ou fermées, pour suivre un chemin, que l'on appelle algorithme. Plus il y a de 0 et de 1 dans les instructions, plus il faut de puissance de calcul. Depuis les années soixante, de nombreux chercheurs tentent de mettre les spécificités de la physique quantique au service de l'informatique. La théorie quantique est la branche de la physique qui s'applique à comprendre le fonctionnement de l'infiniment petit. À cette échelle, les lois qui nous gouvernent ne s'appliquent plus. Sans entrer dans des explications complexes, au niveau quantique, un objet peut être dans deux états simultanément. La lumière, par exemple, est composée de photons qui peuvent se comporter à la fois comme des particules – des petites billes lancées à grande vitesse – ou comme une onde, comme celle qui se forme quand on lance un caillou dans un lac. Le chat de Schrödinger, qui est mort et vivant en même temps, est l'image la plus connue de la physique quantique. En informatique, cette superposition des états peut être grandement utile. Au lieu de traiter tour à tour des 0 et des 1, un ordinateur quantique est théoriquement à même de traiter des 0, des 1, des 0 et des 1 en même temps et une infinité d'états intermédiaires. L'ordinateur quantique ne travaille plus en série, mais en parallèle. La puissance est alors décuplée. Les estimations les plus faibles parlent de capacités multipliées par plusieurs millions. Encore faut-il pouvoir maîtriser les incertitudes de l'infiniment petit et ses caprices.
Google fait une avancée importante
Tous les grands noms des hautes technologies planchent actuellement sur ce nouvel eldorado. Microsoft, en décembre 2017, lançait déjà un langage de programmation spécifique, le Q#. Google vient de franchir une nouvelle étape. Dans un article publié sur le site de la NASA, la firme de Mountain View a annoncé que son supercalculateur quantique, Sycamore, avait atteint la suprématie quantique. Derrière ce nom pompeux, se cache un concept simple : il s'agit du moment où un ordinateur quantique montre sa supériorité par rapport à un calculateur binaire. Doté de 50 qubits, ce calculateur est en effet parvenu à résoudre, en 3 minutes et 20 secondes, un calcul qui aurait pris 10 000 ans à un ordinateur normal. Même si cette annonce a rapidement fait, à juste titre, le tour du monde, il convient de relativiser sa portée. Il s'agit d'un calcul bien spécifique. Il faudra relever des défis bien plus importants pour qu'un ordinateur quantique soit capable de gérer les innombrables tâches que réalise aujourd'hui une machine classique. Plus il y a de qubits – ici seulement 50 –, plus les phénomènes de décohérence et d'incertitude rendent les calculs impossibles à mener. Or, il faudrait une très grande quantité de qubits pour s'aligner sur les ordinateurs modernes. C'est une étape déterminante, mais l'avènement de la technologie est loin d'être une affaire réglée.