Facebook fête cette année ses 15 ans. Un anniversaire célébré dans un climat houleux, entre guerre pour la protection des données, déferlement des « fake news », polémique sur l'anonymat en ligne et fuite des jeunes générations vers de nouvelles plateformes. Retour sur les grandes dates qui ont façonné ce géant à l'influence insondable.
Juin 2004, Mark Zuckerberg et quelques-uns de ses colocataires de Harvard, lancent TheFacebook.com. Quelques mois après la naissance de la plateforme, les frères Winklevoss et Divya Narendra portent plainte contre Zuckerberg, l'accusant d'avoir volé leur idée de réseau social. Cette bataille juridique, péché originel relaté dans The Social Network de David Finsher, s'achèvera des années plus tard par un règlement à l'amiable en forme d'aveu. En 2006, Facebook déploie le système de « News Feed » – chaque fait et geste des membres apparaît sur la page d'accueil de leurs amis – et dévoile son un leitmotiv jamais démenti depuis : vouloir forger la façon dont les internautes considèrent la notion de vie privée.
Passion dévorante
En 2007, les développeurs lancent « Ads », une fonctionnalité qui va changer définitivement la face de la publicité. Au lieu d'offrir aux annonceurs une audience générale, comme sur une chaîne de télévision ou un journal, Facebook, riche de toutes les données personnelles transmises gratuitement par ses membres, leur offrent leur cœur de cible sur un plateau. Ce redoutable modèle économique sera peaufiné année après année, gagnant implacablement en précision, notamment grâce son essor sur mobile.
En 2009, apparaît le désormais emblématique bouton « Like ». Ce nouvel outil permet à Facebook de consacrer la nouvelle valeur cardinale d'internet, la popularité. C'est pour accumuler les « Like » que le monde entier se met à poster de plus en plus de posts, assouvissant l'appétit de l'ogre Facebook. Les contenus changent de main, passant de la coupe des professionnels (médias, politiques, etc.) à celle des algorithmes.
En 2010, la plateforme finalise sa « Graph API » qui offre la possibilité aux membres de se connecter à d'autres sites et applications via leur compte. Les développeurs tiers ont ainsi un accès à une somme inouïe d'informations, non seulement sur les utilisateurs qui se servent de ce dispositif, mais aussi sur leurs amis, même si ceux-ci n'ont pas donné leur consentement.
Il faudra attendre 2015 pour que ce grossier système de vases communicants soit coupé, mais il est désormais avéré que Facebook a laissé, jusqu'en 2017, quelques portes dérobées pour des grands noms du Net comme Microsoft, Netflix ou Spotify. Cette passion dévorante pour les données privées est constitutive de l'ADN de Facebook. En 2018, le scandale « Cambridge Analytica » confirme cette perversion : les informations de près de 100 millions de membres ont été transmises à un cabinet participant à la campagne présidentielle de Donald Trump. Ce nouvel épisode conduit Zuckerberg devant le Sénat américain. Celui-ci, piteusement, promet qu'il va changer le modèle économique de son hydre. L'affaire Research, sortie il y a quelques jours, montre que les discours n'ont pas été suivis de faits. En installant cette application, des jeunes gens rémunérés – dès 13 ans – consentent à laisser l'accès total à tous leurs faits et gestes sur Facebook.
Guerre d'influence
Mais ce n'est pas le seul biais par lequel Facebook est mis en cause. En 2016, le géant a lancé les fameux « Trendings Topics », mettant en avant les actualités les plus partagées sur le réseau. À l'origine, ces sujets étaient filtrés par des modérateurs humains. Très vite, les partis conservateurs américains ont accusé les éditeurs de censurer les contenus émanant de la droite dure.
Face à la fronde, Facebook a donc supprimé toute intervention humaine, laissant les algorithmes officier seuls. La conséquence directe fut le déferlement des fake news, nouveau fléau de la Toile. Un an après l'apparition des Trendings Topics, Facebook reconnaît que des agents d'influence, notamment russes, ont utilisé les failles du système pour influencer l'élection présidentielle américaine et ont touché plus de 150 millions d'Américains via des campagnes de propagande.
Attaqué sur de nombreux fronts, Facebook fête ainsi ses 15 ans alors que les jeunes générations, échaudées par tant de douches froides, désertent la plateforme pour se réfugier sur Instagram ou WhatsApp, tous deux propriétés… de Facebook. Même dans la tourmente, le réseau garde un coup d'avance.
