Quoi ? Une humble plante de nos jardins posséderait le goût et la saveur du soda le plus répandu dans le monde ? D'un côté des millions de dollars de marketing et de l'autre, trois coups de cuillère à pot, pour un goût équivalent ? Une astuce qui devrait plaire aux gourmands!
Et si pour renverser les rapports de force entre les grosses multinationales et les petites entreprises locales, on imaginait deux amateurs de soda discutant autour d'un verre de sirop d'armoise cola. L'un disant à l'autre en lui tendant un verre : « Tiens l'ami, goûte-moi ce breuvage qui devrait te rappeler quelque chose de fameux ». Et l'autre de répondre aussi sec, après y avoir trempé son bec : « Incroyable ! C'est le goût du cola » !
Une armoise parmi tant d'autres
Le genre Artemisia, qui recense plus de quatre cents types d'armoises, abrite en son sein de nombreuses artémises aux vertus condimentaires ou médicinales. Génépi, estragon, absinthe, voilà un aperçu du genre d'individus que l'espèce engendre. Dans cette grande famille, il est un membre incongru dont les vertus se bornent au mimétisme gustatif, mais qui s'avère pour le moins étonnant. Les feuilles de l'Artemisia abrotanum var. Maritima, plus couramment nommée « Armoise Cola » dégagent en effet l'odeur et la saveur du cola.
Des proches cousines
Pour être précis, l'armoise cola est une sous-espèce de l'aurone ou arquebuse (Artemisia abrotanum), une autre artémise dont les feuilles au parfum citronné sont utilisées en cuisine, en infusion ou en cataplasme. À l'achat, malgré leur nom similaire, ne les confondez pas. D'autre part, étant donné leur très proche parenté, il n'est pas exclu que les propriétés de cette dernière, supposées ou avérées (stimulantes, vermifuges, cicatrisantes, insectifuges, emménagogues voire abortives) soient partagées. Cela étant dit, les doses d'huiles essentielles, tanins, alcaloïdes et autres phénols que l'on retrouve dans les préparations sont généralement très faibles.
De la feuille au cola
Ce sont les jeunes feuilles d'armoise qui sont utilisées pour les préparations de cola, les plus veilles étant chargées d'une amertume trop prononcée. Malgré tout, comme le précise le chef Christophe Hay, qui cuisine l'armoise cola dans son restaurant deux étoiles, « il faut faire des infusions à assez basse température et courtes, car plus on monte en température et en temps d'infusion, plus l'amertume s'accentue ». Cinq minutes d'infusion dans de l'eau, de la crème ou du lait à 60°C permettent, après filtrage, d'extraire au mieux les saveurs. Libre à chacun d'utiliser ensuite sa préparation pour obtenir des sorbets, des coulis ou des jus de viande. Le soda s'obtient quant à lui en ajoutant l'eau pétillante à un sirop que l'on fabrique en faisant infuser cent grammes de feuilles fraîches dans un litre d'eau mélangé à un kilo de sucre et porté à ébullition.
Niveau culture
De manière générale, l'armoise est une plante très facile à cultiver, et l'armoise cola ne déroge pas à la règle. Elle apprécie les expositions très ensoleillées où elle se contente d'un sol pauvre et sec, même calcaire, à condition qu'il soit bien drainé. Rustique jusqu'à – 20 °C, ce petit arbrisseau au fin feuillage découpé et persistant forme rapidement un élégant buisson de 60 cm en tous sens, qu'il convient de tailler régulièrement pour favoriser l'apparition du jeune feuillage nécessaire aux préparations.
Pas d'armoise !
À l'origine, le fameux soda américain était une boisson à base de feuilles de coca et de noix de kola, d'où son nom. Aujourd'hui, c'est un joyeux mélange de caramel, de vanille, d'agrumes, de caféine et d'acide phosphorique, entre autres.