Si depuis le printemps, votre agave s'est lancé dans une spectaculaire floraison, profitez-en bien ! En effet, il s'agit d'un évènement unique qui n'arrive qu'après de longues années de croissance. Avec l'hiver, ce cycle florifère s'achève, et par la même occasion, la vie de votre belle succulente.
« Un cygne muet, sentant venir sa mort, chanta pour la première fois une mélodie de la manière la plus merveilleuse qui soit ». À partir de cette phrase tirée d'une fable d'Ésope, expliquez en quoi l'extraordinaire floraison de l'agave est en réalité son dernier coup d'éclat. Vous pouvez pour cela remplacer « cygne muet » par « agave », et « chanta » par « fleurit ». Vous avez deux heures.
Long à la détente
Durant de longues années, les agaves n'arborent que des grosses feuilles charnues poussant en rosettes à partir du cœur. Lisse, lourde, rigide, chacune d'elles est hérissée à son extrémité d'une épine redoutable. Aucune fleur ne viendra adoucir son allure exotique et martiale tant que la plante n'aura pas atteint sa maturité sexuelle. Celle-ci survient après dix à trente ans d'existence, autant dire une éternité, sachant que de bonnes conditions de culture accélèrent ce processus, tandis que des mauvaises le retardent. On entend par « bonnes », un ensoleillement maximal, des hivers pas trop rudes (-10 °C maximum) et un sol extrêmement bien drainé.
Course folle
Un beau jour de mai, l'énorme inflorescence de l'agave apparaît au centre de la rosette. Elle se lance alors dans une croissance échevelée qui lui fait prendre jusqu'à sept centimètres par jour durant les deux premiers mois. Quand elle se stabilise, au cœur de l'été, la hampe florale mesure déjà près de six mètres ! Elle aura entre-temps fait ramifier à son sommet, en juillet, quelques dizaines de rameaux porteurs de nombreuses inflorescences. Celles-ci s'ouvriront, au mois d'août, en bouquets paniculés de petites fleurs jaunes, avant de faner vers la mi-septembre. Il faudra encore un mois pour que les fleurs se transforment en fruits, puis en graines. Solidement portée par un tronc ligneux, la tige commencera à vaciller et tomber vers le mois de décembre, vaincue par les assauts de la pluie et du vent.
Le chant du cygne
Il aura donc fallu environ huit mois, et une débauche d'énergie à l'agave pour achever son unique cycle floral. Toutes les réserves nutritives ayant été orientées vers la production des fleurs et des graines, l'agave ne survit pas à sa floraison, en se délitant à mesure que la hampe se développe. C'est donc une plante monocarpique, du grec « mono » (unique) et « karpos » (fruit), qui fleurit une fois, et puis s'en va. Les feuilles finissent par s'avachir autour de la souche morte, énorme, dure et desséchée, qu'il n'est jamais simple d'arracher pour faire place nette.
Gare à la relève !
Si l'émission de graines est censée assurer une reproduction sexuée à longue distance du fait de leur hauteur d'envol, l'agave assure avant tout sa pérennité par l'émission quasi constante (et envahissante !) de rejets autour de son pied. Étant donné qu'un pied unique est beaucoup plus esthétique sans ces multiples rejetons, on a coutume de les nettoyer au fur et à mesure de leur apparition. Mais si au moment de la floraison, aucun d'entre eux n'a été préservé, vous n'aurez plus d'agave par la suite.