Les résidences secondaires peuvent être la cible de personnes sans droit ni titre qui ont décidé de s'y établir. Or, malgré cette intrusion illégale, les propriétaires rencontrent souvent beaucoup de difficultés pour les faire expulser. Une nouvelle loi entend accélérer cette procédure.
En France, le droit de propriété est une liberté fondamentale reconnue par la Constitution. Et pourtant, il est loin d'être inviolable ! De récents faits divers ont, en particulier, mis l'accent sur un phénomène très délicat juridiquement parlant : le squat. En août 2020, un couple d'octogénaires a ainsi découvert qu'une famille avait pris possession de sa maison de vacances à Théoule-sur-Mer depuis plusieurs semaines. Scénario similaire en septembre dans la Nièvre, où deux squatteurs ont occupé illégalement le domicile d'un senior placé en maison de retraite. Or, dans ces situations, les propriétaires n'ont pas le droit d'intervenir eux-mêmes, comme l'a appris à ses dépens un habitant de Seine-Saint-Denis qui a tenté d'intimider une femme qui s'était installée chez lui. Après une échauffourée, cette dernière a porté plainte pour vol, ainsi que pour coups et blessures ! Pour être dans les clous, il faut donc en passer par une procédure judiciaire.
Une procédure civile fastidieuse
Sur le plan du droit civil, l'occupation illicite d'un squatteur n'est étonnamment pas différente de celle d'un locataire auquel vous auriez donné congé dans les règles et qui refuserait malgré tout de partir, comme nous l'explique Me Gabriel Dumenil, associé au cabinet YL Avocats à Paris et auteur pour les éditions Lexis Nexis. Dès lors, il faut « l'assigner devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire (ex-tribunal d'instance) pour demander au juge son expulsion et l'obtention d'une indemnité d'occupation ». Vous devrez ici prouver votre droit de propriété mais aussi que la personne en cause occupe les lieux sans droit ni titre, en ayant par exemple recours à un huissier.
Une fois le jugement rendu en votre faveur, vous devrez à nouveau solliciter cet officier ministériel pour délivrer un « commandement de quitter les lieux » au squatteur non coopératif. Et s'il ne part toujours pas, il faudra faire appel à la préfecture pour que les forces de l'ordre interviennent. Mais, là encore, rien n'est gagné ! Car, bien que la trêve hivernale ne s'applique pas au squat, certaines administrations retardent l'échéance en raison de divers motifs…
Une procédure accélérée
Plutôt que de perdre de longs mois en procédure civile, l'alternative consiste à porter plainte pour violation de domicile. Dans une situation utopique, la police interviendrait au titre du flagrant délit pour chasser les indésirables, dès lors que vous prouvez qu'ils sont entrés dans les lieux par effraction depuis moins de 48 heures. En pratique, toutefois, les squatteurs ciblent exprès des résidences secondaires ou vacantes afin que le pot aux roses soit découvert le plus tard possible… La loi Élan de 2018 a donc mis en place une procédure pénale accélérée, récemment renforcée par la loi Asap du 7 décembre 2020.
« Une fois que le propriétaire a porté plainte pour violation de domicile, les forces de l'ordre doivent se rendre sur place pour constater l'occupation illicite », expose Me Dumenil. Celle-ci se définit comme l'intrusion ou le maintien dans une résidence principale ou secondaire, à l'aide de « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Il faut ensuite demander au préfet de mettre en demeure les squatteurs de quitter le logement. Il a 48 heures pour prendre sa décision. En cas de réponse positive, la préfecture accorde un délai minimal de 24 heures aux intrus pour partir, après quoi elle doit faire intervenir les forces de l'ordre. Ceci dit, l'administration peut refuser la demande au titre d'un « motif impérieux d'intérêt général »…
Un droit pénal mouvant
Si la procédure issue de la loi Asap va dans le bon sens, elle est loin de tout régler. « Comment la police va-t-elle caractériser l'infraction sans le concours d'un juge ? », s'interroge ainsi Me Dumenil, en anticipant un lourd contentieux à venir. De même, la préfecture conserve une large marge d'appréciation qui ne garantit pas forcément au propriétaire de récupérer son bien. Enfin, ce dispositif accéléré ne s'applique pas à un logement inhabitable tel qu'un garage indépendant, un terrain ou encore un local ayant un autre usage. Dans ces cas de figure, il faudra en passer par la fastidieuse procédure civile.
Plusieurs propositions de loi, actuellement dans les tuyaux du Parlement, visent donc à durcir encore plus la législation. Certaines entendent renforcer les peines du délit de violation de domicile, tandis que d'autres suggèrent carrément de créer un nouveau délit pénal d'occupation frauduleuse d'un bien. Mais Me Dumenil met en garde : un tel projet pourrait poser « un vrai problème en termes de légalité, de définition et de cohérence entre les régimes pénal et civil ».