Le logement représente un enjeu financier de taille dans un divorce. Avant même le partage des biens, son occupation par l'un des deux époux séparés peut d'ailleurs avoir des conséquences importantes. Décryptage.
Entre le moment où un couple décide de se séparer et le prononcé effectif du divorce, il peut s'écouler de nombreux mois, voire des années. Or, durant tout ce temps, le domicile conjugal continue, en général, à être habité par l'un des conjoints. À quelles conditions est-ce possible ? On fait le point.
Gare au provisoire qui dure
La plupart du temps, c'est Madame qui reste dans la maison avec les enfants, tandis que Monsieur se fait héberger par des amis avant de trouver un nouveau toit. Mais cette situation peut soulever des questions financières, a fortiori si elle s'éternise… Le conjoint parti doit-il toujours participer au paiement du loyer ou au remboursement de l'emprunt ? L'épouse demeurée dans le foyer doit-elle le dédommager pour cette occupation ?
Avant de prendre de telles dispositions, sachez que tant que le juge aux affaires familiales (JAF) n'a pas organisé les conditions de votre séparation, vous êtes tenu à vos devoirs conjugaux, notamment en ce qui concerne le logement. Peu importe un éventuel départ, les conjoints locataires restent donc solidairement redevables des loyers. Même chose pour les échéances d'un crédit immobilier. Par ailleurs, tant que la justice ne s'est pas penchée sur la question, l'occupation du domicile conjugal par un seul des époux n'entraîne aucun dédommagement.
L'indemnité entre les mains du juge
C'est lors de l'audience avec le juge aux affaires familiales que tout se joue. À son issue, le magistrat va en effet rendre une ordonnance de non-conciliation imposant un certain nombre de mesures provisoires (pension alimentaire, logement, garde des enfants, etc.) qui seront valables durant toute la durée de la procédure et jusqu'au prononcé du divorce. C'est à ce moment-là que le JAF va attribuer la jouissance temporaire du domicile conjugal à l'un des époux.
En fonction de la situation et des intérêts de la famille, il peut décider que cette occupation est gratuite ou qu'elle donne lieu au versement d'une indemnité. Sauf mention contraire expresse, cette dernière ne sera donc due qu'à compter du jour de l'audience, excluant toute la période antérieure. En outre, la jouissance du bien doit être exclusive, ce qui implique la remise des clés par celui qui ne profite plus du logement.
Pour déterminer le montant, le juge va se baser sur la valeur locative du bien par rapport au marché local mais aussi sur la quote-part de chacun des membres du couple s'ils en sont tous deux propriétaires. La somme peut également être diminuée par un abattement en fonction de la situation (précarité, logement des enfants…).
À noter : le conjoint qui perçoit l'indemnité d'occupation doit la déclarer dans son avis d'imposition en tant que revenu foncier. En revanche, son versement n'est pas déductible par celui qui la verse.
Et après le divorce ?
En principe, cette indemnité d'occupation n'est que temporaire, le temps que le divorce soit prononcé et que le sort du domicile soit réglé dans le cadre du partage des biens du couple (vendu ou racheté par l'un des ex-époux). Néanmoins, à défaut d'accord, il peut arriver qu'un statu quo se poursuive encore après la décision de justice. Dans ce cas, celui qui veut conserver la jouissance du domicile doit en faire la demande au juge qui pourra y consentir moyennant une compensation financière ou par le biais de la prestation compensatoire.
La Cour de cassation a rappelé cette règle dans un arrêt du 3 octobre 2019. En l'espèce, un couple divorcé n'avait toujours pas réglé la question du logement que l'ex-mari continuait à habiter. Or, ce dernier ne voulait pas payer d'indemnité d'occupation en raison de l'état de délabrement du bien. Mais qu'importe sa vétusté ! Selon la Cour, sauf accord contraire, une compensation financière est due dès lors que le domicile est occupé par un seul des propriétaires.
Focus : l'abandon de domicile
Le mariage impose un devoir de cohabitation. Même si vous avez décidé de vous séparer de votre conjoint, un départ précipité pourra donc être assimilé à un abandon du domicile conjugal. C'est une faute que votre ex pourra invoquer contre vous lors du divorce, sauf en cas de motif légitime (comme des violences conjugales).
Dans l'idéal, il est cependant préférable que votre départ soit concerté et organisé. Formalisez votre accord par un écrit manuscrit, daté et signé par votre conjoint et vous, et n'hésitez pas à y ajouter des modalités de fonctionnement concernant les enfants. Bien que sans valeur juridique, ce document peut être pris en compte par le juge.
À noter : dès le départ, utilisez au maximum des échanges écrits et conservez tous les mails et SMS qui pourront constituer des preuves.