Voilà de longs mois que les professionnels du secteur alertent régulièrement sur l'inertie du marché immobilier. Entre des acquéreurs qui n'ont pas les moyens d'acheter et des revendeurs qui ne veulent pas brader leur bien, conclure des ventes est bien compliqué.
Après plusieurs années de taux bas, la flambée inflationniste apparue en 2022 et qui s'est poursuivie en 2023 a fait l'effet d'une bombe sur le marché immobilier. Alors qu'on empruntait à un taux d'environ 1 % sur 20 ans en janvier 2022, les chiffres ont littéralement explosé jusqu'à atteindre 4,35 % au début du mois de novembre 2023 pour un « bon » taux (meilleur que les taux moyens constatés), d'après la société de courtage Meilleurtaux. Conséquence logique : les Français sont dans l'incertitude et le marché grippé.
Attentisme généralisé
Dans un tel contexte, le nombre de crédits a évidemment chuté. Ainsi, 9,2 milliards d'euros de prêts à l'habitat ont été accordés aux ménages en septembre d'après la Banque de France, soit le niveau le plus bas depuis 2016. Si les acheteurs n'ont plus les moyens de leurs ambitions, les vendeurs sont quant à eux pris en tenaille. D'une part, ils font en effet face à une légère baisse des prix de l'immobilier qui atteint près de 1 % en moyenne en France métropolitaine et jusqu'à -3,9 % en Seine-Saint-Denis selon l'association La Finance pour tous, soutenue par les acteurs institutionnels. Et d'autre part, eux aussi ont un projet d'achat qui se heurte aux taux d'intérêt élevés, ainsi qu'à la difficulté actuelle d'obtenir un prêt relais pour financer leur acquisition.
Bien que la hausse des taux commence à ralentir en cette fin d'année, « le nombre de transactions immobilières reste en berne. Les acquéreurs sont très attentistes et ont tendance à renoncer à leur projet d'acquisition face à des conditions d'emprunt sévères. Les achats de confort sont en effet moins nombreux. Actuellement, près de 50 % des ventes sont contraintes (séparation, mutation, expulsion…)», comme l'analysait Artémis Courtage à la mi-novembre.
Des acquéreurs peu engagés
Face aux tensions actuelles, le profil même des acquéreurs-vendeurs (ou secundo-accédants) aurait changé, comme s'en est fait récemment l'écho Patrice Amate, président de la société immobilière de Trets depuis 25 ans. « Ces clients sollicitent des visites, sans pour autant connaître leur budget, ni leur timing. S'ils s'engagent dans la prospection active, ils n'ont pas fait estimer leur bien à vendre, ni pris en compte la baisse des prix. En revanche, pour leur acquisition, ils ont déjà intégré la négociation avant la visite. Une attitude, qui montre l'ampleur du manque de pédagogie à ce sujet, et qui grippe davantage encore le marché », explique l'agent immobilier. Et de dénoncer « ce phénomène de promeneurs » qui rend en effet irréaliste toute offre d'achat et contraint les professionnels à un tri plus drastique pour organiser des visites qualitatives.