Entre la baisse du nombre de logements disponibles et des prix toujours élevés, les Français rencontrent de grandes difficultés pour se loger décemment ou même pour se loger tout court.
Dénoncée par les professionnels, les associations et même les acteurs institutionnels, la crise du logement est bien réelle et a des conséquences très concrètes sur le quotidien de millions de citoyens, comme le révèlent de récents rapports.
La première source d'inégalité
Le Conseil économique social et environnemental (le Cese) a rendu public son rapport sur l'état de la France 2024 fin octobre. Cette étude fait notamment état des difficultés financières importantes des citoyens, malgré un ralentissement de l'inflation. En effet, d'après un sondage réalisé par l'institut Ipsos pour le Cese, « 45 % des Français estiment que leur pouvoir d'achat permet seulement de répondre à leurs besoins essentiels, voire ne le permet pas », 3 points de plus qu'en 2023. Et parmi les multiples sources d'inégalités observées, c'est l'accès au logement qui arrive en tête de liste, devant la santé, l'emploi ou encore les services publics. Ainsi, 58 % des répondants éprouvent des difficultés d'accès au logement ou avec les conditions de logement, que ce soit pour l'achat, la location ou les logements sociaux. Ce chiffre grimpe même à 84 % dans les départements et régions d'outre-mer.
Une offre réduite
Le ressenti des sondés fait écho au diagnostic des spécialistes. En avril 2024, un rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat pointait déjà cinq symptômes bien visibles de la crise du logement. Tout d'abord, le volume de constructions neuves s'est effondré de 20 à 30 % par rapport à 2022, tandis que les transactions dans l'ancien ont accusé un recul de 22 % en un an. Pas étonnant quand on sait que la production de crédit a baissé de plus de moitié en 18 mois. Résultat logique : on assiste à une chute des offres de location longue durée de 36 % en 2 ans et même de 74 % en 3 ans pour Paris, d'après une enquête du site Seloger.com parue en février. Le logement social est lui aussi touché par ce blocage du parcours résidentiel puisqu'on dénombrait 2,6 millions demandeurs (dont 1,7 million de premières demandes) pour 82 000 nouveaux agréments en 2023…
Dernier symptôme et pas des moindres : le fléau du mal-logement. Selon le baromètre 2023 de la Fondation Abbé Pierre, plus de 4 millions de personnes sont mal-logées dont plus d'1 million sont privées de logement personnel. D'après un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat paru début octobre, le nombre de personnes sans domicile a d'ailleurs doublé en 10 ans pour atteindre 330 000, sachant que 120 000 sont des femmes (contre environ 50 000 en 2012).
Un appauvrissement généralisé
Le rapport du Conseil économique social et environnemental passe lui aussi en revue les effets de la crise du logement en citant un rapport d'information du Sénat de 2021 qui relevait que les prix de l'immobilier ont explosé de 88 % en 20 ans. Une dynamique qui « paupérise les ménages et rend également difficile l'équilibre des programmes de logements locatifs sociaux ou intermédiaires ». La récente envolée des taux d'intérêt a d'ailleurs été également préjudiciable : « La capacité d'achat des candidats à la propriété a ainsi baissé de 30 % », évoque le Cese.
Même avec un toit sur la tête, les difficultés restent importantes ! En effet, alors que la part du budget consacrée à l'habitation s'élevait à 19,7 % en 2017, elle a grimpé à 26,7 % en 2022 selon l'Insee. Premier poste de dépense contrainte, le logement représente jusqu'à 32 % des revenus des 25 % des ménages les plus modestes. Bien entendu, l'énergie pèse lourd dans la balance. Rien qu'en 2021, les dépenses énergétiques liées aux logements ont augmenté de 7,8 % en euros constants.
Or, le Cese rappelle que la réforme des aides personnelles au logement (APL) de 2021, consistant à réviser le montant attribué tous les trimestres et non plus une fois par an, a conduit à une baisse d'allocation de 73 € pour 29,6 % des bénéficiaires. Globalement, l'ensemble des aides au logement représentait 1,5 % du PIB en 2022, contre 2% en 2008.
Autant de données qui incitent professionnels, associations et analystes à réclamer une véritable politique de relance du logement en France.