La Provence livre le meilleur de ses produits et de ses traditions à l'approche de Noël. À l'image des calissons, internationalement adorés, le succès des treize desserts s'étend bien au-delà de la France méridionale.
Le gros souper provençal conjugue l'esprit de Noël et l'art de la table depuis le Moyen Âge. Et s'il est vrai que les traditions dévotes tombent peu à peu dans l'oubli, la coutume des treize desserts survit à la modernité. Ce n'est qu'après la messe de minuit du 24 décembre que la maisonnée provençale succombe à la gourmandise des desserts, que l'on a limité à treize au début du XXe siècle. Figurant le Christ et ses douze apôtres, ces saintes douceurs s'arrosent généralement de vin cuit. L'enthousiasme l'emportant sur l'exactitude, leur composition peut varier considérablement d'un village à l'autre. Mais pour réconcilier les puristes, un collectif aixois, regroupant l'association Fouque, l'Escolo Felibrenco Li Venturié, les pâtissiers de la Coupo Santo et l'Union des calissonniers d'Aix, a déposé une « liste officielle » des treize desserts, à savourer pieusement.
Les dattes
Reines des treize desserts, les dattes rendent hommage aux origines orientales du Christ. Débarrassées de leur noyau allongé, leur drupe farineuse et sucrée peut être farcie de pâte d'amande colorée. On leur réserve alors le plus beau plat du dressoir.
Le gibassié
Le gibassié, appelé aussi pompe sur le littoral provençal ou fougasse dans l'arrière pays, est une brioche aux arômes subtils. Ses saveurs tiennent dans sa composition : farine, levure, cassonade, huile d'olive et zestes d'agrumes. Rond ou ovale, moelleux ou croustillant, plat, ajouré… ses formes sont variées. À l'image de Jésus partageant le pain pendant la Cène, le gibassié doit être rompu à la main.
Les quatre mendiants
Les amandes, figues, noix et raisins secs composent les quatre mendiants. Leur couleur sombre rappelle en effet les robes des ordres mendiants : amandes pour les Carmélites, figues pour les Franciscains, noix ou noisettes pour les Augustins et raisins blancs pour les Dominicains. On peut aussi marier leurs goûts, à l'exemple du « nougat du capucin » : un cerneau de noix piqué dans une figue.
Les calissons
La légende veut que les calissons d'Aix soient apparus en 1454 pour les noces du bon Roy René. Sa reine Jeanne, qui ne riait jamais, aurait esquissé un sourire de plaisir en dégustant ces royales friandises. Les convives surpris se seraient alors écriés Di calin soun ! (Ce sont des câlins !). Pendant la Grande Peste qui assombrit la région en 1630, le calisson était consommé pour se prémunir du fléau. Sa pâte est effectivement un concentré d'énergie avec ses amandes broyées, ses melons confits et ses sirops de fruits.
Les fruits confits
Abricots, poires, prunes, melons, oranges et cerises sont des fruits confits par immersion dans plusieurs bouillons sucrés avant d'être glacés. Si aujourd'hui la simple évocation de ces douceurs fait saliver, c'est d'abord pour régaler les papilles papales du Saint-Siège d'Avignon qu'elles ont été introduites en Provence.
Les fruits de saison
Parmi les fruits de saison, le melon vert de Noël, les pommes et les poires encore parfumées d'automne, les oranges et les mandarines sont montées en pyramide, pour l'exaucement des vœux.
Les nougats
Noir cassant ou blanc onctueux, les nougats sont souvent associés à l'enfer et au paradis. Mais ces douceurs antinomiques recèlent les mêmes ingrédients. C'est leur mode de cuisson qui détermine leur couleur et leur texture. Le noir fonce à des températures ardentes tandis que l'autre, plus tendre, blanchit sous une flamme légère.
Pour réaliser soi-même son nougat noir il suffit de réunir 50 g de miel « toutes fleurs », qui a la particularité de noircir au feu, et 70 g d'amandes non pelées. Ces dernières blondissent sur le grill pendant que le miel monte lentement à ébullition. Elles sont ensuite brisées et jetées dans le nectar bouillonnant. Le mélange doit alors cuire jusqu'à prendre une belle couleur ténébreuse. Les amandes, sur le point d'éclater, entament un chant saccadé de cigale. Avant qu'elles n'explosent, il faut retirer le récipient du feu et remuer pendant quelques minutes. Deux à trois centimètres de nougat visqueux sont versés dans un moule posé sur une feuille de papier hostie. Il n'y a plus qu'à égaliser la surface et à la couvrir d'une autre feuille. Sur cette dernière, un poids permet enfin d'homogénéiser la friandise jusqu'à ce qu'elle refroidisse et devienne croquante. Un comble de gourmandise ! Et y céder n'est pas un péché.