Tous les moyens sont bons pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Alors que le doggy bag peine à s'imposer en France, le législateur a donc décidé de l'imposer aux restaurateurs à compter de 2021.
Qui n'a pas déjà eu les yeux plus gros que le ventre ? Devant un menu alléchant, il est parfois difficile de résister à la tentation de tout commander… au risque d'en laisser la moitié dans son assiette ! Quelque 1,6 million de tonnes de nourriture sont ainsi jetées dans la restauration collective et commerciale chaque année au niveau national. Le doggy bag serait-il la solution pour limiter ce gâchis monstre ? C'est ce qu'estiment nos élus.
Dépasser les préjugés
En France, c'est bien connu, la nourriture est sacrée ! Et pourtant, nous sommes en retard pour tout ce qui concerne la lutte contre le gaspillage alimentaire. L'exemple des sacs et autres boîtes permettant d'emporter les restes du repas est particulièrement flagrant.
Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, jamais personne ne vous regardera de travers pour avoir demandé une « take away box » au restaurant. Ancrée depuis longtemps dans la culture anglo-saxonne, cette pratique y est un réflexe, d'autant plus que les portions sont en général très copieuses. En Europe, des pays comme l'Autriche ont eux aussi adopté le doggy bag pour éviter que le contenu de leur assiette ne termine à la poubelle.
À l'inverse, dans l'Hexagone, on a beaucoup de mal à passer le cap. Notre culture tend plutôt à ne rien laisser dans son assiette, au risque d'être mal vu. Alors, demander à emporter ses restes de repas semble impensable ! Gêne, honte et peur du regard des autres sont le plus souvent invoquées par les consommateurs qui craignent de passer pour des pingres. Et plus l'établissement est élégant, moins on ose.
Encourager les bons gestes
Pour faire évoluer les mentalités, les pouvoirs publics ont pris les choses en main depuis 2010. La loi dite Grenelle 2 a ainsi imposé à tous les professionnels produisant plus de dix tonnes de biodéchets par an de les trier à la source. Plutôt que de devoir séparer les épluchures de légumes, les restes de plats et autres huiles alimentaires, les restaurateurs concernés – ceux qui servent entre 150 et 200 couverts par jour – ont alors été incités à proposer des doggy bags à leurs clients.
Quatre ans plus tard, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie a également lancé une campagne visant à promouvoir les sacs et boîtes à emporter les restes. Quant à la loi sur le gaspillage alimentaire de 2016, elle a de nouveau encouragé les professionnels à recourir au doggy bag. Mais sur le terrain, le pli n'est toujours pas pris…
Un cap à franchir
Puisque le volontariat ne semble pas fonctionner, le législateur a donc décidé de passer à l'obligation. L'article 62 de la Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable publiée au Journal officiel du 1er novembre 2018 dispose ainsi que : « Les établissements de restauration commerciale et les débits de boissons à consommer sur place mettent à la disposition de leurs clients qui en font la demande des contenants réutilisables ou recyclables permettant d'emporter les aliments ou boissons non consommés sur place ». Seuls sont exclus les restaurants proposant des buffets à volonté, de même que ceux utilisant un système de consigne pour les bouteilles.
Afin de laisser aux professionnels le temps de s'équiper, cette disposition ne s'appliquera cependant qu'à compter du 1er juillet 2021. Et d'ici là, le gouvernement a prévu de faire de la pédagogie.
POINT DE VUE Les annonces en exclu
Contacté par nos soins, le ministère de l'Agriculture nous a confirmé que « cette mesure correspond à un changement profond d'habitude aussi bien pour les restaurateurs que pour leurs clients ». Et d'ajouter que « pour en assurer le succès, d'ici l'entrée en vigueur, plusieurs travaux d'accompagnements vont être conduits dans l'objectif de garantir au mieux la sécurité sanitaire des denrées et d'assurer le transfert de responsabilité ». L'objectif est ici d'assurer les pros que, si un client s'intoxique avec un doggy bag mal conservé, ce dernier ne pourra pas se retourner contre eux.
De plus, le ministère va lancer « une campagne de sensibilisation pour accompagner les professionnels qui souhaitent s'engager dans cette démarche de manière volontaire, avant la date d'entrée en vigueur, à l'instar de la campagne Gourmet-bag déjà conduite par la direction régionale en Auvergne Rhône-Alpes. »