Google est dans la tourmente. Accusé d'abuser de sa position dominante pour écraser la concurrence, le géant de la tech pourrait être contraint, par la justice américaine, de céder son navigateur Chrome et même son système Android. Une bataille juridique d'ampleur historique qui pourrait redessiner le paysage numérique mondial et remettre en question la toute-puissance des géants technologiques.
Depuis plusieurs années, les autorités américaines intensifient leur lutte contre les pratiques jugées monopolistiques des géants de la tech, et Google est désormais au cœur de cette offensive. Accusé d'avoir abusé de sa position dominante pour étouffer la concurrence, le géant californien fait face à une action en justice sans précédent menée par le département de la Justice (DOJ). Son moteur de recherche, utilisé pour plus de 90 % des requêtes en ligne dans le monde, est au centre des débats, mais ce n'est pas tout : Chrome, son navigateur phare, est également pointé du doigt. Avec 61 % de parts de marché aux États-Unis, il est accusé de jouer un rôle clé dans la stratégie de verrouillage de Google, en imposant par défaut son moteur de recherche et en limitant les chances de ses concurrents d'accéder à ce « point d'entrée » crucial d'Internet. Sans oublier, Android, le système d'exploitation mobile maison, lui aussi dans le collimateur de la justice.
Le précédent Microsoft
Cette affaire rappelle inévitablement le procès antitrust contre Microsoft au début des années 2000, lorsque le géant de Redmond avait été épinglé pour avoir favorisé son navigateur Internet Explorer au sein de Windows. Si cette bataille juridique avait finalement abouti à une solution intermédiaire, l'épisode avait marqué un tournant en exposant les tensions entre innovation technologique et abus de position dominante. Aujourd'hui, le cas Google pourrait bien devenir le nouveau symbole d'une régulation plus ferme face à des entreprises devenues si puissantes qu'elles redéfinissent les règles du jeu économique.
Un empire qui vacille
Chrome et Android ne sont pas de simples produits dans l'écosystème de Google : ils en sont les piliers stratégiques. Chrome, avec son omniprésence sur les ordinateurs et smartphones, agit comme une porte d'entrée vers le moteur de recherche Google, garantissant un flux constant d'utilisateurs et de données, carburant indispensable pour son modèle publicitaire. Android, de son côté, équipe près de 70 % des smartphones dans le monde et permet à Google d'imposer ses services par défaut, verrouillant un peu plus un marché déjà largement dominé. Ces deux leviers, Chrome et Android, sont donc au cœur des accusations d'abus de position dominante portées par les autorités américaines. Si ces mesures visent à ouvrir le marché à davantage de concurrence, elles suscitent des réactions vives, notamment de la part de Google. Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires chez Google, a également souligné que ces propositions risquaient de réduire la compétitivité technologique des États-Unis au profit de leurs rivaux, en particulier la Chine, où des géants comme Tencent ou Baidu guettent toute brèche dans l'hégémonie américaine.
Incertitudes politiques
La dimension politique ajoute encore à l'incertitude. L'administration Biden, dont le Département de la justice mène l'offensive actuelle, sera remplacée en janvier par celle de Donald Trump, qui a déjà exprimé des réserves sur l'idée d'un démantèlement. Si certains conservateurs, comme Brendan Carr, récemment nommé à la tête de la Federal Communications Commission, plaident pour une régulation plus stricte des géants de la tech, Trump lui-même a laissé entendre qu'il préférait préserver la puissance des entreprises américaines face à la concurrence étrangère. Dans tous les cas, la décision finale appartiendra au juge Amit Mehta, attendue en août 2025. Mais même si un verdict favorable aux autorités était rendu, Google pourrait encore faire appel, prolongeant ainsi la bataille judiciaire pendant des années. Ce procès, déjà comparé à celui de Microsoft, s'annonce donc comme un test majeur pour la régulation des géants numériques, avec des conséquences qui pourraient dépasser largement le cas de Google et redéfinir les règles du jeu pour toute l'industrie technologique.