Par vagues successives, Google est en train de se faire grignoter son cœur de marché : la publicité et la vente en ligne. De plus en plus d'utilisateurs et de commerçants se tournent vers Amazon, et des géants américains comme Wallmart et Target sont à l'affût de la moindre erreur de la bête blessée.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Lors de son dernier conseil d'administration, qui a eu lieu début octobre, les responsables de Google se sont montrés inquiets. L'heure est grave : alors que la filiale d'Alphabet reste incontournable dans le domaine de la publicité numérique et de la recherche ligne, l'e-commerce, boosté par la pandémie et les fermetures temporaires des magasins physiques, est en train de lui échapper.
L'attaque des titans
Aux États-Unis, ce sont désormais plus de 53 % des recherches de produits qui partent depuis Amazon, extrêmement populaire outre-Atlantique. L'offensive du géant de la distribution fait trembler l'ogre de l'indexation. Les études sont formelles. Les annonceurs, ces tenants des budgets publicitaires qui sont le cœur de cible de Google, sont en train de modifier leur stratégie. Ce sont désormais près de 20 % de leurs dépenses qui sont allouées à Amazon quand la part qui revient à la firme de Mountainview est passée de plus de 61 % en 2019 à près de 55 % aujourd'hui. Au premier semestre 2021, la firme de Jeff Bezos a vendu pour 14,82 milliards de dollars d'encarts publicitaires, enregistrant un bon de son chiffre d'affaires dans ce domaine de plus de 80 %. Dans le même temps, Google, dont les résultats demeurent tout de même six fois plus élevés, n'a connu une hausse de « seulement » 50 %. Et cela sans compter l'offensive larvée de géants comme Wallmart.
Une offre brouillonne
La situation n'a rien de catastrophique, mais reste suffisamment préoccupante pour obliger les responsables de Google à réagir et à mettre de l'ordre dans leur stratégie. Lors de ce tumultueux conseil d'administration, Sundar Pichai, le patron du groupe, a promis aux membres de remettre l'e-commerce au centre de ses préoccupations. Il faut dire que le groupe a changé quatre fois de stratégie en vingt ans et cinq fois de responsables du département e-commerce en dix ans. À tel point que Google relève désormais du zombie dans le domaine : les requêtes demeurent nombreuses, mais personne, ou presque, n'achète via le moteur de recherche. De leader incontesté, la firme de Mountainview est désormais dans une position où elle doit s'adapter. Google ne se voit plus désormais comme une solution parallèle à Amazon. « Le monde ne sera pas très intéressant si, d'ici quelques années, on ne peut faire du shopping qu'à un seul endroit », expliquait en conférence de presse Bill Ready, nouvel homme force de l'e-commerce chez Google.
L'empire contre-attaque
Ce spécialiste de la vente en ligne a été débauché de chez Paypal par Sundar Pichai en 2019 afin de remettre la firme sur la voie du succès. Ready connaît bien les forces et faiblesses de Google. Il sait parfaitement que, dès 2002, la firme a obligé les commerçants à acheter de la publicité pour être référencés. Cette position a entraîné une hausse rapide du chiffre d'affaires de Google mais lui a fermé la porte d'innombrables petits vendeurs qui font aujourd'hui les beaux jours d'Amazon. Ready a modifié en profondeur le paradigme. Désormais, il n'est plus nécessaire de mettre la main à la poche pour être référencé sur Google Shopping. Un partenariat à plusieurs milliards a été signé avec Shopify pour simplifier la mise en ligne des produits, facilitant ainsi grandement la vie des commerçants. Enfin, l'interface de recherche, lorsqu'un utilisateur cherche un produit à acheter, est en train d'être grandement modifiée pour se rapprocher de l'affichage d'Amazon : moins de liens, plus d'images, des informations claires et un processus d'achat simplifié. Google n'a pas dit son dernier mot.
