L'intelligence artificielle traverse le monde de la recherche en ligne et de la création de contenus comme un tsunami. En réponse à l'incontournable ChatGPT d'OpenAI, financé en partie par Microsoft, Google a dévoilé son propre système de chat intelligent, Bard, qui devrait arriver dans le courant de l'année. Les deux mastodontes sont prêts à s'affronter sur un théâtre des opérations aux horizons infinis.
Le 7 février dernier, Microsoft organisait une présentation des nouveaux outils qui allaient intégrer son moteur de recherche Bing et son navigateur internet Edge. La session fut courte mais a eu l'effet d'une bombe : ces deux services étaient sur le point de recevoir une version encore plus puissante du modèle de conversation qui a fait tant parler de lui ces derniers mois : GPT-4. Pour mémoire, ChatGPT est un modèle d'apprentissage automatique capable de générer du texte en fonction de données d'entrée.
Pour faire simple, l'utilisateur lui pose une question en langage naturel et l'algorithme est capable d'y répondre. Il peut entretenir une conversation tout à fait cohérente en contextualisant l'échange. La qualité du modèle dépend principalement du volume de données sur lequel il a pu s'entraîner. Plus ce volume est important, plus les réponses seront pertinentes. Selon OpenAI, l'organisme créé par Elon Musk pour développer cet outil, GPT-3, le modèle qui a été déployé ces derniers mois, reposait sur environ 175 milliards de paramètres (ou données) et son « savoir » s'arrêtait en 2021. En outre, GPT-3 n'était pas relié à internet pour renforcer la qualité de ses réponses. GPT-4, la version qui va donc être intégrée à Bing et à Edge, en a ingurgité… 100 trillions ! Microsoft en est convaincu, la recherche et la création de contenus ne seront plus jamais comme avant.
L'attaque des titans
Et c'est bien dans le domaine de la recherche sur internet, mine d'or absolue, que la firme de Redmond veut taper vite et fort. GPT-4 peut répondre à toutes les questions, résumer un texte, fournir du code dans n'importe quel langage de programmation et confronter ses réponses aux résultats d'internet. Les possibilités sont si grandes que Redmond semble vouloir mettre sous le tapis les limites éthiques de ces dispositifs (réponses erronées, pillage de contenus créés par d'autres, biais des modèles, etc.). Toujours est-il que le traditionnel moteur de recherche, élevé au rang d'incontournable par Google, prend un sacré coup de vieux. Satya Nadella le sait bien. Lors de la présentation du 7 février, le PDG de Microsoft a été sans ambiguïté : « Nous avons la plus grande admiration pour Google et pour ce qu'ils ont réalisé. C'est une entreprise extraordinaire. C'est le gorille de 800 kg au milieu de la pièce et nous espérons qu'avec notre innovation, ils répondront et montreront au monde qu'ils savent danser. Mais le monde saura que c'est nous qui les aurons fait danser. » La guerre est déclarée et c'est effectivement la firme de Redmond qui mène le bal.
L'intervention de Satya Nadella s'est déroulée quelques heures à peine après que Google a présenté sa propre réponse à ChatGPT : Bard. De toute évidence, la firme de Mountain View a été surprise par les progrès éclair réalisés par OpenAi et n'était pas prête à dévoiler son outil si vite. De nombreux couacs ont émaillé la conférence de Google. Une erreur grossière générée par Bard dans l'une de ses réponses a même fait dévisser le cours d'Alphabet, la maison mère, de 7 %, lui faisant perdre 100 milliards de dollars de valorisation en quelques secondes ! Toujours est-il que Google ne se laissera pas faire : l'entreprise a tout à perdre.
Microsoft est passé totalement à côté du web et en particulier à côté de la recherche sur internet, mais a tout de même consolidé son empire. S'il peut prendre des parts de marché dans ces domaines si porteurs, c'est un bénéfice net. À l'inverse, Mountain View repose quasi intégralement sur ce secteur, sur lequel il règne en maître depuis 20 ans (91 % des requêtes). Tout recul peut faire vaciller le grand édifice. Une chose est sûre, nous assistons à un grand pivot technologique dont les répercussions seront colossales.