De tous les grands industriels, Apple et Tesla ont été les plus prévoyants et les plus généreux avec leurs fournisseurs. Les deux géants de la tech et de l'automobile sont jusque-là passés à travers les perturbations engendrées par la pénurie des semi-conducteurs. La crise, pourtant, s'enlise et ne devrait épargner personne.
Apple vient de sonner l'alarme. Le plus prévoyant des grands acteurs industriels estime ne pas avoir assez de latitude pour passer à travers la pénurie des semi-conducteurs qui touche l'ensemble de la planète depuis le début de la pandémie de Covid. Lors d'une conférence de presse tenue début août, Tim Cook en personne, le PDG d'Apple, a prévenu : « Nous allons faire les choses trimestre par trimestre et, vous vous en doutez, nous ferons tous ce que nous pouvons pour limiter les conséquences des événements auxquels nous sommes confrontés. » Les analystes du groupe tablent sur un ralentissement de la croissance malgré la sortie, à l'automne, d'une nouvelle génération d'iPhone. Rien de vraiment inquiétant pour la firme de Cupertino qui a enregistré une hausse de son chiffre d'affaires de 36 % au premier trimestre, mais un signal qui en dit long sur les problèmes mondiaux d'approvisionnement.
La cigale et la fourmi
Apple a en effet été l'un des fabricants les plus prévoyants, non seulement du domaine des hautes technologies, mais aussi de l'industrie en général. Fin logisticien, Tim Cook a dépensé sans compter pour optimiser ses lignes d'approvisionnement et pour s'assurer la loyauté de ses fournisseurs asiatiques. La Pomme a signé de nombreux contrats d'exclusivité, se réservant une partie des chaînes de production des principaux assembleurs d'Extrême-Orient. Lorsque de tels accords n'étaient pas passés, Apple n'a pas hésité à sortir le chéquier pour faire main basse sur les forces productives locales. À tel point que l'enseigne a été désignée comme l'une des principales responsables de la crise par d'autres acteurs de la tech, comme Microsoft ou Sony, et par certains constructeurs automobiles !
Le fait est que les équipes de Tim Cook ont réussi l'exploit d'avoir toujours des pièces disponibles pour répondre à la demande alors que la PS5 et la Xbox Series X, les consoles nextgen de Sony et de Microsoft, demeurent difficilement trouvables dans le commerce. Résultat, les ventes d'iPhone ont augmenté de 50 % durant le premier trimestre 2021 pendant que ses concurrents enregistraient des pertes et perturbations. Cependant, malgré tous les efforts consentis par Cupertino, la demande mondiale demeure trop forte.
Les confinements successifs ont encouragé le recours au télétravail et ont ainsi fait exploser les besoins en centres de données, très gourmands en semi-conducteurs. La reprise de l'industrie automobile, avec ses modèles de plus en plus aboutis technologiquement, ajoute sa part de tension. La plupart des constructeurs avaient annulé leurs commandes l'an passé et ont mal anticipé l'ampleur du rebond.
Tesla a (toujours) un coup d'avance
De son côté, Tesla a fait preuve d'une capacité d'adaptation encore plus grande. Le constructeur américain a été victime de son succès, écoulant, au cours du premier trimestre 2021, deux fois plus de voitures qu'attendu. Alors que la firme d'Elon Musk – tout aussi prévoyante qu'Apple lorsqu'il s'agit de logistique – enregistrait des résultats records, ses rivaux subissaient des retards de production, voire arrêtaient leurs chaînes, comme Mercedes l'a fait pour ses Classe E, EQS et S.
Là encore, l'état de grâce touche à sa fin, mais Tesla a pris les devants. Le roi de l'électrique a modifié en profondeur son écosystème et s'est tourné vers d'autres types de puces. Il a fallu pour cela reprogrammer tout le système d'exploitation des modèles du groupe. « Pour trouver des puces, écrire un nouveau logiciel, l'intégrer aux voitures et le tester pour que la production puisse poursuivre, nous avons dû fournir un effort colossal », a expliqué Elon Musk lors de la présentation des résultats du constructeur. Pendant ce temps, les bouchons s'accumulent à l'entrée des usines asiatiques et la situation devrait perdurer jusqu'en 2023… si la crise sanitaire s'apaise.
