Voilà bien un légume que l'on croise rarement dans les potagers. Et pour cause : peu productive, gourmande en espace et pénible à récolter, la lentille n'a plus grand-chose d'attirant. Mais du temps où l'on reconnaissait sa valeur, il en allait autrement.
C'est pour un simple plat de lentilles que lui tendait son frère Jacob qu'Esaü, affamé, accepta de céder son droit d'aînesse. Faute de place, on passera sous silence la duperie qu'emploiera Jacob pour faire bénir le changement par Isaac, leur malvoyant de père. Sachez simplement que l'expression « qui va à la chasse perd sa place » vient de là. Et concluons qu'à l'époque la lentille avait sacrément la cote.
Vieille comme Hérode
La lentille (Lens culinaris) est une plante légumineuse de la famille des fabacées d'excellente conservation et de grande valeur nutritive. Riche en protéines, elle procure un régime alimentaire équilibré et bon marché lorsqu'elle est consommée avec des céréales. Non moins dépourvue en fibres, amidon et minéraux, elle possède un indice glycémique très bas. Voilà sans doute pourquoi elle a été cultivée dès la naissance de l'agriculture en Mésopotamie, soit il y a près de dix mille ans.
Un temps pour tout
De nos jours, la lentille a perdu de sa superbe. L'accès à la nourriture est désormais facile et l'intérêt des légumes de conservation a été balayé par l'apparition des congélateurs et des légumes « de toute saison ». D'autant que, soyons honnêtes, la lentille n'a pas que des atouts. Elle ne produit pas plus de 150 grammes de graines par mètre carré, elle est fastidieuse à récolter, et occupe énormément de place dans le potager. Au regard de cela, son prix en magasin est devenu, pour la lentille brune en tout cas, absolument dérisoire.
Pour la lentille, hip, hip, hip !
Elle est pourtant facile à cultiver, se satisfaisant de tous les types de sol, à partir du moment où ils ne sont pas trop argileux, compactés et prompts à se gorger d'eau. Pas besoin d'engrais, puisqu'en bonne légumineuse elle fixe l'azote de l'air pour s'en nourrir, grâce à des bactéries symbiotiques racinaires. En somme elle pousse toute seule, à condition de lui octroyer des rames où elle pourra s'avachir sans état d'âme. Pour cela, de simples branches de bois mort plantées dans le sol le long des rangs feront l'affaire. En dehors de la germination et de la floraison, l'apport d'eau n'est pas indispensable, sauf sécheresse excessive.
Le B.A.-BA
La lentille se sème à partir du mois de mars, dans un sol décompacté. Évitez le semis à la volée qui nécessite un éclaircissage fastidieux et tracez plutôt des rangs. Espacez-les de quarante centimètres, et semez-y en poquets, à un centimètre de profondeur, trois graines tous les trente centimètres. Après la levée, conservez le plan le plus vigoureux. En début de culture, désherbez soigneusement car la plante n'aime pas la concurrence des adventices. Une solution consiste à couvrir le sol avec un paillage épais.
Récolte, à nous deux !
La lentille fleurit en petites fleurs blanches, qui se transforment en gousses contenant chacune seulement deux graines. La récolte consiste à faucher les plantes avant maturité complète, lorsqu'elles commencent à jaunir vers la fin de l'été, puis à les laisser sécher à l'abri de la pluie, sur le sol ou suspendues. Il vous faudra alors extirper les graines de leur gousse, soit manuellement, soit par battage en les frappant sur un drap posé au sol. Un vrai sacerdoce ! Les lentilles pourront ensuite être conservées dans un endroit frais, à l'abri de la lumière, dans un contenant hermétique.
Autant se faire plaisir
Quitte à cultiver la lentille, autant vous tourner vers les variétés les plus rares ou les plus chères du marché : lentilles vertes du Puy ou du Berry, blonde de Saint-Flour, lentillon de Champagne…
