Le salut d'une âme engluée dans la morne grisaille de l'hiver peut parfois venir de l'un de ses cinq sens : l'odorat. En plein cœur des journées courtes et froides, certaines fleurs ont en effet l'audace d'exhaler des parfums envoûtants dignes du plus beau des printemps. Un vrai bain de jouvence pour les esprits chagrins.
On dit souvent que sans parfum, la fleur est muette. Mais si les floraisons d'hiver sont rares, cette saison n'en est pas pour autant aphone. En effet, certaines fleurs sont, en cette période pourtant morose, particulièrement odoriférantes. Alors laissons-les donner de la voix !
Une vraie performance
Botaniquement parlant, c'est un sacerdoce pour les végétaux rustiques de réussir à fleurir durant l'hiver. Quand les autres plantes s'évertuent à se faire toutes petites pour résister au froid, il faut du courage pour oser brûler une énergie précieuse dans une floraison dispendieuse. Chez les plantes originaires de l'hémisphère sud, où les saisons sont inversées, le phénomène peut être dû à la conservation d'un calendrier génétique interne. C'est notamment ce qui se passe avec le mimosa, au parfum si caractéristique, qui fleurit durant notre hiver septentrional en même temps qu'il fleurit en plein été austral.
Coucou, c'est nous !
Dans le désert floral que constitue la saison hivernale, il ne faut pas lésiner si l'on veut attirer à soi les braves mais rares insectes pollinisateurs encore en activité. C'est pourquoi, au nom de la survie de l'espèce, les fleurs à floraison hivernale sont souvent très parfumées. Elles s'accompagnent de couleurs, parfois vives, afin de se faire encore plus remarquer des butineurs. Toutefois ces plantes, dont les fleurs apparaissent entre novembre et février, sont finalement assez peu nombreuses.
En sol acide
La plupart de ces plantes singulières préfèrent les sols acides à neutres, légers et humifères. À commencer par le Camellia sasanqua, cousin du camélia du Japon, dont les grosses fleurs roses ou blanches parfumées de jasmin perdurent durant plusieurs semaines entre octobre et février. En fanant, les pétales tombent en masse, jonchant le sol de flocons de neige colorés. Amateur d'ombre, le Sarcococca ruscifolia est plus discret, avec ses petites fleurs blanches qui paraissent à l'aisselle des feuilles. Son parfum vanillé et sucré est pourtant très intense. On forme avec lui de jolies haies basses au vert sombre. Enfin l'hamamélis, au doux parfum de miel, a la particularité d'arborer d'étonnants pétales en forme de rubans avant l'apparition des feuilles, à même les branches nues.
En sol ordinaire
Moins exclusif sur la nature du sol, le chèvrefeuille arbustif Lonicera fragrantissima est un sacré parfumeur. Ses petites fleurs de couleur crème se succèdent de novembre à mars, exhalant sans discontinuer l'odeur typique et délicieuse de l'espèce. Pas en reste, le daphné odorant (Daphne odora) est un élégant arbrisseau aux tiges rigides et au feuillage charnu, dont la floraison rosée très généreuse, qui s'étale de janvier à mars, est peut-être la plus parfumée et puissante d'entre toutes. Enfin, le Chimonanthus praecox, espèce d'arbuste caduc, fleurit, comme l'hamamélis, avant l'apparition des feuilles, ce qui renforce l'attractivité de sa floraison. Son parfum de fruits exotiques n'est pas sans rappeler celui, exquis, des lantanas.
À toute épreuve
Au garde-à-vous sur sa tige auréolée de grandes feuilles piquantes et coriaces, le Mahonia x media a l'allure de ses qualités : c'est un fruste qui se satisfait de tous les types de sol et d'exposition. On peut donc le mettre n'importe où pour profiter de ses effluves délicats de muguet... et de son air martial.
Une proximité indispensable
Évidemment, tout l'intérêt consiste à placer ces plantes odoriférantes au plus près de l'entrée de la maison ou d'un lieu de passage, afin d'en profiter tous les jours.
