Si les caméras de surveillance sont largement déployées en entreprise, leur utilisation et leur contrôle sont soumis à des règles strictes afin d'assurer la sécurité mais aussi le respect des droits des employés.
Caméras, détecteurs et alarmes font partie des outils de protection classiques de bon nombre d'entreprises qui entendent ainsi protéger leurs marchandises et leur personnel en se prémunissant contre les menaces de vols, de dégradations ou encore d'agressions. Mais parce qu'un système de vidéosurveillance est par définition intrusif pour les salariés, son utilisation est strictement encadrée par la loi et la jurisprudence. On fait le point.
Un principe de proportionnalité
Ce qu'il faut bien retenir, c'est que tout est une question d'équilibre. En effet, s'il est évidemment légitime pour un employeur de vouloir protéger ses biens, les moyens pour y parvenir ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits de son personnel.
C'est ce qu'il ressort de l'article L. 1121-1 du Code du travail selon lequel : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » Or, un système de vidéosurveillance empiète par essence sur le droit à la vie privée des salariés, garanti par l'article 9 du Code civil et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est pourquoi il est impératif d'encadrer et de limiter son utilisation de façon claire, transparente et légitime.
Uniquement les endroits stratégiques
À partir de ces principes fondamentaux, la jurisprudence a construit un périmètre précis en matière de vidéosurveillance, repris par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ainsi, l'entreprise doit poursuivre un objectif légal et légitime, qui consiste en pratique à assurer la sécurité des biens et des personnes. Conséquences logiques : elle doit donc filmer certains endroits stratégiques et uniquement ceux-là, mais aussi avertir employés et visiteurs de la présence de ce système de surveillance au moyen de panneaux affichés en permanence et de façon visible dans ces lieux.
La CNIL rappelle en effet sur son site que « les caméras peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation. Elles peuvent aussi filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés ». À l'inverse, il est défendu de filmer les zones de pause, de repos, les vestiaires ou encore des locaux syndicaux. De même, les caméras « ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail », sauf dans certains cas spécifiques (par exemple pour des employés manipulant de l'argent ou des manutentionnaires qui travaillent dans un entrepôt stockant des biens de valeur).
Contrôler les images
Parce que les images des caméras de surveillance peuvent porter atteinte à la vie privée des salariés, elles doivent elles aussi être encadrées. Dès lors, l'accès doit être sécurisé, l'enregistrement du son réservé à des situations bien particulières et seules les personnes habilitées par l'employeur, dans le cadre de leurs fonctions, doivent pouvoir les visionner.
Quant à la durée de conservation de ces images, elle doit être définie par l'entreprise, toujours en lien avec l'objectif poursuivi. « En principe, cette durée n'excède pas un mois. En règle générale, conserver les images quelques jours suffit, sauf circonstances exceptionnelles pour effectuer les vérifications nécessaires en cas d'incident », précise la CNIL.
Cas pratiques
L'encadrement de la vidéosurveillance est revenu sur le devant de la scène à travers deux affaires qui démontrent tout l'enjeu de proportionnalité.
Après quatre ans de procédure, la CNIL a en effet annoncé le 23 janvier 2024 avoir infligé une amende de 32 millions d'euros à Amazon « pour avoir mis en place un système de surveillance de l'activité et des performances des salariés excessivement intrusif » mais aussi « pour de la vidéosurveillance sans information et insuffisamment sécurisée ». En l'occurrence, les salariés et visiteurs « n'étaient pas correctement informés des systèmes de vidéosurveillance », tandis que « le logiciel de vidéosurveillance n'était pas suffisamment sécurisé ».
Dans un arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation a quant à elle rejeté le pourvoi d'une salariée qui contestait son licenciement pour faute grave en raison de vols repérés par vidéosurveillance, au motif qu'elle n'avait pas été informée de l'installation du dispositif de sécurité. Le but poursuivi est ici considéré comme légitime – rapporter la preuve des vols dans les stocks – et l'atteinte à la vie personnelle proportionnée.