Cuisine et vins

Produits vegan, gare aux appellations trompeuses

Alors que le véganisme, mode d'alimentation qui exclut toute forme d'exploitation animale, gagne du terrain un peu partout dans le monde, certains industriels n'hésitent pas à jouer sur les termes pour profiter de cette tendance.

Pour leur bien-être, celui de la planète ou pour soutenir la cause animale, de plus en plus de consommateurs s'intéressent aux produits vegan. Avec plus de 350 000 adeptes dans l'Hexagone et un chiffre d'affaires en hausse de 24 % au cours de l'année 2018, le véganisme s'impose peu à peu dans le secteur agroalimentaire. Les ventes de produits végétariens et vegan, qui s'élèvent aujourd'hui à 380 millions d'euros, devraient même continuer à croître de 17 % par an jusqu'en 2021 pour atteindre les 600 millions d'après les estimations de l'institut d'études Xerfi. Aujourd'hui, un tiers des Français se disent même flexitariens et 10 % envisagent de passer au végétarisme. Des chiffres qui ont de quoi attiser l'intérêt des fabricants, qui s'empressent de surfer sur cette vague… quitte à user de dénominations trompeuses. On fait le point.

Les produits vegan, quèsaco ?

Qui dit véganisme dit refus des produits d'origine animale. Exit donc viandes et poissons, mais aussi œufs, laitages et miel. À la place, les aliments vegan misent sur des alternatives telles que le soja, le tofu, le seitan, le tempeh, les laits végétaux et les sirops d'érable ou d'agave. Toutefois, pour satisfaire les végétariens nostalgiques des steaks, du chocolat et du fromage, les industriels de l'agroalimentaire se sont mis à développer des substituts végétaux qui en imitent l'apparence, la texture et même le goût.

Des appellations protégées

Le souci : ils en usurpent également le nom. Or, en France, certains termes sont rigoureusement définis par des réglementations et ne peuvent pas être utilisés s'ils ne répondent pas au cahier des charges exigé. D'après la Répression des fraudes, ces appellations cultivent une certaine ambiguïté et peuvent ainsi être « qualifiées de trompeuses ». C'est le cas des produits laitiers tels que le fromage, les yaourts et le beurre, qui doivent être exclusivement d'origine animale, du chocolat au lait et du miel, défini comme « la substance sucrée naturelle produite par les abeilles de l'espèce Apis mellifera ». En revanche, la filière carnée ne bénéficie à l'heure actuelle d'aucune protection, d'où la multiplication des bacons vegan et autre filets de saumon végétal.
L'engouement pour le véganisme est tel que le prix de ces produits végétaux est parfois deux à quatre fois plus élevé que celui de leurs équivalents d'origine animale. Une différence qui repose dans certains cas sur le coût et la qualité des matières premières utilisées – amandes, noix, aliments issus de l'agriculture biologique – et dans d'autres, sur un simple argument marketing.

Un intérêt santé mitigé

Si consommer davantage de protéines d'origine végétale et moins de produits carnés, notamment de viande rouge, s'avère souvent bénéfique pour la santé et plus particulièrement pour notre système cardiovasculaire, un régime vegan trop strict peut cependant être source de carences et avoir l'effet inverse à celui escompté. Moins complètes que les protéines animales, les légumineuses telles que les lentilles, pois ou haricots manquent surtout de vitamine B12 et de fer. Enfin, si beaucoup sont estampillés « bien-être » ou « minceur », mieux vaut rester vigilants vis-à-vis de certains aliments. Ainsi, on évite de préférence ceux élaborés à base de soja, trop riches en isoflavones, soupçonnés par les autorités sanitaires d'être des perturbateurs endocriniens. On vérifie également que les laits végétaux, amande, coco, riz ou noisette n'ont pas été trop transformés (ajout de sucres, d'épaississants, d'exhausteurs de goûts), car s'ils sont très intéressants d'un point de vue nutritionnel, leur composition varie beaucoup d'une marque à l'autre.

Des fraudes fréquentes

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui effectue régulièrement des contrôles auprès des grandes surfaces, des commerces de détail et de producteurs locaux, a relevé près de 23 % d'anomalies et d'abus dans l'utilisation des appellations vegan. Sur 374 enquêtes, deux ont donné lieu à des procès-verbaux pénaux, 18 à des injonctions et 66 à des avertissements.

Lauren Ricard
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