Avec une consommation qui a explosé ces dernières années, la cocaïne est désormais la deuxième drogue la plus consommée en France derrière le cannabis. Un phénomène qui s'explique en partie par une production mondiale accrue et un produit de plus en plus attractif.
Dévoilé le 15 janvier dernier, le rapport « Drogues et addictions, les chiffres clés 2025 », publié par l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dresse un constat relativement inquiétant de la consommation de substances licites (tabac, alcool) et illicites en France, et notamment de la cocaïne dont l'usage est en pleine expansion. Quelles sont les raisons de cette recrudescence ? Qui sont aujourd'hui les consommateurs ? Et quelles mesures de prévention faut-il mettre en place ? On a fait le point avec Catherine Delorme, présidente de la Fédération Addiction.
Cannabis et cocaïne en tête
Selon le rapport de l'OFDT, si le cannabis reste la drogue la plus consommée (900 000 usagers quotidiens), la cocaïne est désormais le deuxième produit le plus plébiscité. En effet, en 2023, son usage a concerné 1,1 million de Français (soit 9,4 % des adultes), contre 750 000 (soit 8,2 % des adultes) pour l'ecstasy (MDMA). Une hausse effectivement « notable » pour Catherine Delorme qui confirme ces données : « La cocaïne et le crack prennent plus de place, on l'a vu sur le terrain entre 2022 et 2023. Il y a quasi un doublement de la consommation de la cocaïne. »
Plus accessibles et attractifs
Cette évolution de la consommation s'inscrit d'abord dans un contexte d'augmentation de la production mondiale. À l'exception de l'héroïne, toutes les drogues illicites font l'objet d'une offre croissante. Pour la cocaïne, par exemple, la production n'a jamais été aussi élevée en Colombie, en Bolivie et au Pérou – les trois principaux producteurs –, avec 2 700 tonnes en 2022, contre 1 134 tonnes en 2010.
Outre cette disponibilité accrue du produit, la présidente de Fédération Addiction soulève également des facteurs sociétaux : « La cocaïne dispose d'une image positive, comparée à l'héroïne par exemple. On est aussi dans une société où l'on est très stimulé, avec des rythmes effrénés. Et la cocaïne, comme l'ecstasy, sont des psychostimulants qui rendent plus endurants, plus performants. Si la consommation d'alcool et de cannabis a tendance à baisser, c'est parce qu'on n'est plus dans la volonté d'avoir des produits qui vont sédater. »
Reste aussi que la cocaïne est abordable : selon l'OFDT, entre 2011 et 2023, le coût du gramme est passé de 60 à 66 €, soit une très légère augmentation, mais la teneur moyenne en principe actif a, elle, explosé, passant de 46 % à 73 %. « C'est un produit plus pur donc plus attractif avec un maximum de biodisponibilité, ce qui le rend plus efficace », souligne encore Catherine Delorme.
Tous les milieux sociaux touchés
Si la consommation augmente, le profil des consommateurs a lui aussi évolué. En effet, là où avant les drogues telles que la cocaïne ou l'ecstasy étaient plutôt prisées des usagers précarisés ou marginalisés, elles circulent désormais dans tous les milieux sociaux, chez les personnes insérées socialement, comme chez les plus jeunes. On note également une prévalence dans les métiers difficiles ou particulièrement prenants, comme c'est le cas par exemple dans la restauration ou chez les routiers. Toutefois, les hommes restent plus consommateurs que les femmes.
Trop de répression, pas assez de prévention
Alors comment expliquer cette hausse constante de drogues ? Pour la présidente de la Fédération Addiction, les raisons sont à chercher du côté des effets de manche des différents gouvernements. Catherine Delorme pointe en effet du doigt « l'application d'une loi uniquement répressive qui maintient dans l'ignorance et laisse seuls les usagers face à leur consommation ». Pour notre spécialiste, « on est sur une augmentation du volet répressif au détriment du soin, on stigmatise aussi trop les consommateurs en les rendant responsables, ce qui n'aide pas à demander de l'aide quand ils en ont besoin ».
La solution ? « Miser sur des méthodes de prévention interactives et les compétences psycho-sociales », comme l'explique Catherine Delorme. « Il faut aller sur les territoires, rencontrer les jeunes et arrêter de faire peur. Pour qu'une action de prévention soit efficace, il faut que les gens sachent ce que la drogue implique en tant que plaisir. Ce n'est pas inciter que de dire ça, mais c'est le but premier des usagers, il faut donc en parler. Il ne faut pas traiter que les inconvénients et convoquer la morale, la loi et le danger. C'est contre-productif. Les consommateurs n'identifient pas les risques sur le plan social, affectif, financier et sanitaire », renchérit-elle encore.
En tous les cas, si vous êtes vous-même usager de drogues, son conseil est limpide : « Renseignez-vous sur les forums, les centres d'accueil etc., sur ce que vous consommez et la manière que vous avez de consommer. Le but est d'avoir un niveau de connaissance qui vous permet de savoir comment vous consommez. »