TikTok, l'application de partage de vidéos courtes, fait face à des interdictions et des enquêtes dans plusieurs pays en raison de préoccupations concernant la vie privée et la sécurité des données. Les institutions européennes, le gouvernement canadien et anglais, ainsi que les États-Unis ont pris des mesures pour limiter l'utilisation de l'application sur les appareils professionnels, tandis que la France a lancé une commission d'enquête sur l'entreprise chinoise ByteDance, propriétaire de TikTok. Le tout sur fond de tensions géopolitiques majeures.
L'administration américaine menace d'interdire l'application chinoise TikTok aux États-Unis si elle reste sous le contrôle de sa maison mère, ByteDance, basée en Chine. Cette menace s'inscrit dans le contexte des pressions exercées par les États-Unis contre un réseau social dont les audiences dépassent désormais celles de Facebook et Instagram. Les sénateurs américains John Thune et Mark Warner ont déposé un projet de loi visant à contrer l'essor des entreprises technologiques étrangères spécialisées dans l'information et la communication, soutenu par la Maison-Blanche et ciblant principalement TikTok. Ce nouveau rebondissement dans ce feuilleton à suspense intervient alors que le gouvernement britannique avait déjà interdit à ses fonctionnaires d'utiliser la plateforme sur leur téléphone professionnel, emboîtant le pas au Canada ou encore à la Belgique.
Un mastodonte dans le collimateur
TikTok est le réseau social qui a connu le développement le plus rapide de la jeune histoire de ces services. Après avoir été lancée en septembre 2016, la plateforme spécialisée dans les vidéos de très courte durée, a rapidement dépassé Facebook, avant de dévorer YouTube en termes de temps passé quotidiennement par ses utilisateurs et de menacer aujourd'hui Netflix sur ses propres terres aux États-Unis. Cette levée de boucliers est un nouveau soubresaut dans la guerre géopolitico-commerciale à laquelle se livrent les Américains et les Chinois, après l'épisode Huawei, alors même que Xi Jinping n'a jamais cessé de montrer son soutien à Vladimir Poutine dans sa guerre de conquête de l'Ukraine. Les critiques qui se multiplient à l'encontre de TikTok sont toutefois loin d'être illégitimes. La première d'entre elles pointe les risques d'addiction des adolescents, qui passent en moyenne 1h47 par jour devant les vidéos du réseau selon une étude récente réalisée par Qustodio. Sans oublier l'absence récurrente de modération des contenus qui facilite la diffusion de fausses informations ou de clips violents autour du suicide, de l'automutilation ou des troubles alimentaires.
Un espion qui en sait trop
Le plus gros des critiques se concentre autour des données personnelles et de l'envoi vers Pékin d'informations sensibles. TikTok demande un accès étendu aux appareils de ses utilisateurs pour fonctionner et afficher des publicités ciblées. L'application obtient la pire note du classement établi par l'association ToSDR, qui analyse les conditions générales d'utilisation des applications et services. En outre, la plateforme demande plus de 76 permissions à ses utilisateurs sur Android, contre 46 pour Instagram et Twitter, et 60 pour Snapchat. Cette collecte massive de données soulève des inquiétudes quant à la protection de la vie privée des utilisateurs et l'utilisation potentielle de ces informations à des fins malveillantes. Il convient de garder à l'esprit que la loi chinoise de 2017 sur le renseignement dispose que les entreprises chinoises doivent collaborer avec les services de renseignement du pays lorsqu'elles sont sollicitées. Cette mesure s'étend également aux entreprises chinoises opérant hors du territoire national comme… TikTok. Pas étonnant, alors, que les institutions occidentales multiplient les contre-mesures. Face à ces menaces répétées d'interdiction, les responsables du réseau veulent montrer patte blanche. L'une des solutions évoquées consisterait à héberger les bases de données aux États-Unis, sous la supervision d'un tiers de confiance, en l'occurrence Oracle. L'autre serait de vendre TikTok à une entreprise non chinoise. Cette option avait été évoquée en 2020 par Microsoft. Ce serait plus compliqué aujourd'hui : le succès colossal du réseau le valorise à plus de 50 milliards de dollars… Elon Musk a déjà cassé sa tirelire avec Twitter… Et encore faudrait-il que Pékin accepte de se séparer de sa taupe aux yeux d'or.