Après le coup de tonnerre, la bataille juridique. Le rachat du géant du jeu vidéo Activision Blizzard King par Microsoft pour un montant de 70 milliards, annoncé il y a plus d'un an, est loin d'être acté. Alors que les autorités américaines et anglaises bloquent la fusion, l'Union européenne vient de rejoindre le camp des territoires favorables à ce rachat.
En janvier 2022, l'annonce du rachat de l'un des plus célèbres éditeurs de jeux vidéo, Activision Blizzard King, par Microsoft avait eu l'effet d'une bombe à fragmentation dans l'industrie vidéoludique et, plus généralement, dans le monde des nouvelles technologies. Il faut dire que les montants évoqués avaient de quoi donner le vertige : plus de 69 milliards de dollars ! Et ce, quelques mois après avoir entériné le rachat de ZeniMax, la maison mère d'éditeurs tout aussi mythiques comme Bethesda (Skyrim, Fallout, etc.) ou Arkane (Prey, Dishonored) pour plus de 10 milliards de dollars.
Déjà acteur majeur du jeu vidéo avec ses consoles Xbox, la firme de Redmond souhaitait devenir ainsi définitivement incontournable en faisant main basse sur des licences comme Warcraft, Starcraft, Diablo, World of Warcraft, Overwatch et Hearthstone, entre autres. Activision possède également des entrées populaires, telles que Call of Duty, Crash Bandicoot, Quake, Spider-Man, Guitar Hero ou Tony Hawk's. Sans oublier l'ouverture vers le jeu vidéo mobile, véritable poule aux œufs d'or, offerte par King, le créateur de l'éternel Candy Crush Saga.
Oppositions politiques et administratives
Étant donné l'ampleur du rachat, celui-ci ne pouvait échapper au passage devant les commissions mondiales de surveillance de la concurrence… dont la redoutable Federal Trade Commission (FTC), l'agence gouvernementale américaine chargée de prévenir les pratiques commerciales déloyales et anticoncurrentielles. Premier coup dur pour Microsoft, Lina Khan, la présidente de la FTC, nommée le 20 janvier 2022, soit deux jours après l'annonce du rachat, est une fervente adversaire des Gafam, ces grands groupes high-tech américains dont la firme à la fenêtre fait partie. Alors que la FTC semblait ne pas trouver à redire sur l'acquisition, l'instance a ainsi rapidement changé de position et n'a pas validé le processus. Les discussions, houleuses, sont toujours en cours.
Fin avril dernier, dans la lignée de la position de la FTC, la Competition and Markets Authority (CMA), son homologue anglaise, a elle aussi bloqué l'opération. L'organisme a exprimé des préoccupations sur l'impact potentiel de cette fusion sur le secteur émergent du cloud gaming, où Microsoft domine déjà avec une part d'utilisateurs de 60 à 70 %. Une décision étonnante lorsqu'on sait que cette niche représente moins de 10 % du marché du jeu vidéo global et que, malgré ce rachat, la firme de Redmond ne dépasserait pas son principal concurrent, Sony, ni même Tencent (le géant chinois).
L'aval de l'Europe sur fond de Brexit
Microsoft a pourtant essayé de faire preuve de bonne volonté en garantissant, par exemple, la disponibilité de la licence Call of Duty, sur toutes les plateformes, et en signant un accord avec Nintendo. Cela n'a pas suffi. Une lueur d'espoir est toutefois venue éclaircir ce ciel sombre de refus puisque l'Union européenne a donné son accord au rachat, le 15 mai, dans la lignée de pays comme le Brésil ou l'Arabie saoudite. Cette décision divergente est une première depuis le Brexit pour un dossier aussi important.
Pour séduire l'UE, Brad Smith, le président de Microsoft, a donné de nouvelles garanties, comme la disponibilité sur toutes les plateformes concurrentes, durant dix ans et sans contrepartie, de l'ensemble des titres créés par le trio Activision Blizzard King. Smith a également salué cette décision en promettant des investissements accrus sur le sol européen… au détriment du Royaume-Uni.
Néanmoins, l'avenir de la fusion reste incertain car si Microsoft ne remporte pas l'appel contre le veto britannique et que la FTC continue d'être intraitable, le rachat pourrait ne pas se concrétiser.