Misant sur des rapports sociaux sains et sans filtres, destinée principalement aux familles, l'application française BeReal se présente comme le contre-pied d'Instagram et de Snapchat. Ce positionnement sans fard plaît : sans aucune publicité, l'appli a déjà été téléchargée plus de 70 millions de fois et explose aux États-Unis.
Les plus grands succès viennent la plupart du temps des utilisateurs. En silence, BeReal (prononcez « biril » !), une application sociale française dont le principe est assez proche d'Instagram ou de Snapchat, est en train de se construire une communauté de plus en plus active. Lycéens, étudiants, familles qui souhaitent entretenir les liens entre les générations… le public est sous le charme du paradigme nouveau qu'est en train d'imposer cette plateforme récente. C'est en 2020 qu'Alexi Barreyat et Kévin Perreau, deux développeurs français, lance la première version de leur projet longuement mûri. Pour se démarquer des solutions existantes, les deux hommes ont eu l'idée de faire en sorte que l'application, au rythme d'une notification par jour intervenant à une heure variable, enjoigne ses utilisateurs à cesser toute affaire courante et à se photographier dans son environnement immédiat. Les caméras avant et arrière du téléphone se déclenchent en même temps et les deux clichés juxtaposés sont ensuite visibles par les personnes qui suivent l'utilisateur. L'idée qui sous-tend ce concept original est de retrouver l'authenticité et l'instantanéité perdue avec les autres mastodontes du secteur. Les filtres, les mises en scène et les préparations souvent coûteuses créent un monde parallèle loin de la réalité du quotidien de tout un chacun. BeReal souhaite renouer avec ce réel et que ses utilisateurs se donnent de « vraies » nouvelles d'eux-mêmes. Le credo apposé sur le site web de l'application ne trompe pas : « Découvrir ce que font vraiment vos amis au quotidien ».
En toute simplicité
L'application a décidé de supprimer tous les compteurs de popularité et autres likes, ainsi que tous les filtres et les publicités. Le seul critère qui fait foi, c'est la proximité temporelle avec la notification qui enjoint à se prendre en photo. Pour que les autres utilisateurs soient certains du niveau d'authenticité du cliché, celui-ci est accompagné du nombre de prises et le délai qui sépare sa capture de la réception de la notification. Au-delà des deux minutes de rigueur, la photo indique le retard. Pire, pour les utilisateurs les moins spontanés, un message apparaît : « Est-ce que tu as bien compris ce qu'était BeReal ? 10 % de tes BeReal étaient à l'heure ». On ne plaisante pas avec la spontanéité ! Même si le niveau d'intrusion de l'application semble élevé, celle-ci connaît un succès éclair. Il faut dire que personne n'est obligé de se prendre en photo, mais si on le fait, il faut accepter la règle des deux minutes. BeReal a été téléchargée plus de 75 millions de fois depuis son lancement en 2020. Les États-Unis sont le premier terrain de conquête du service avec plus d'un tiers des téléchargements, suivis par le Royaume-Uni (9 %) et la France (6 %). En novembre dernier, BeReal a décroché le prix de l'application iPhone de l'année. Preuve que le projet de Barreyat et Perreau bouleverse l'écosystème des grands réseaux sociaux. Instagram et TikTok ont ajouté des fonctionnalités qui se rapprochent de son concept. Mieux, certains des meilleurs clichés se retrouvent rapidement partagés sur les grandes plateformes américaines. Il faut saluer le tour de force : bâtir un réseau social construit sur le rejet des autres réseaux sociaux ! Comme toutes ces applications à leurs débuts, BeReal cherche un modèle économique viable. Pour le moment, la start-up vit sur les deux levées de fonds accompagnées par Xavier Niel. Le patron de Free a investi 1 million d'euros dans l'aventure et a aidé à lever 88 millions d'euros. L'entreprise est aujourd'hui évaluée à 558 millions d'euros. Une nouvelle réussite pour la French Tech.