Voilà une vingtaine d'années, Mme B. a fait germer une graine de ginko biloba. L'arbre, qui s'avère être une femelle, vient pour la première fois de donner des fruits… puants. Erreur fatale !
Une histoire de genre
Le ginkgo biloba est l'un des arbres les plus anciens du règne végétal. Apparu au Prémien, il y a quelque deux cent soixante-dix millions d'années, il a gardé certaines prérogatives primitives. Il est dioïque, c'est-à-dire que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées par des individus distincts, mais surtout, son mode de reproduction archaïque, trop long à décrire ici, relève de l'épopée. Les arbres femelles arborent en guise de fleurs des ovules à l'état brut, sorte de fleurs sans pétales, sans pistil et sans ovaire, dont les graines resteront stériles si aucune pollinisation par le pollen d'un individu mâle n'est effectuée.
Quoi, qu'est-ce qu'ils ont mes fruits ?
À l'automne, les ovules des arbres femelles ressemblent à s'y méprendre à un fruit charnu. Vers le mois d'octobre, semblables à de grosses prunes pulpeuses, jaunes-orangées, elles tombent au sol et s'y écrasent. En éclatant, l'acide butanoïque contenu dans leur chair dégage une odeur désagréable de beurre rance ou de vomi. Voilà pourquoi on ne vend quasiment plus, aujourd'hui, que des individus mâles, issus de boutures. Voilà aussi pourquoi certaines municipalités font abattre des ginkgos femelles magnifiques, sous la pression des riverains excédés.
Le bien du mâle
La croissance du ginkgo étant lente et sa maturité longue à venir, ce n'est qu'au bout de vingt ans que Mme B. a vu apparaître les premiers ovules, désignant aussitôt son arbre comme étant femelle. Planté juste devant sa maison, la présence des fruits risque désormais de devenir une gêne olfactive récurrente. Mais que faire… Tailler les branches portant des ovules ? Couper le tronc et greffer un mâle ? Quand un arbre est si lent à pousser, c'est bien dommage. Cueillir les fruits avant leur chute sera un moindre mal.