Plante discrète des rocailles et des murets, le nombril de Vénus est apprécié des promeneurs gourmands, mais quasiment méconnu des jardiniers. Ceux-ci gagneraient pourtant à acclimater à leur jardin cette petite sauvage, salade d'hiver plantureuse dont les feuilles épaisses offrent une expérience gustative unique.
À la postérité botanique, Vénus, la déesse romaine de l'amour et de la beauté, a légué malgré elle pas moins d'un sabot (Paphiopedilum), un cheveu (Adiantum) et un miroir (Legousia speculum-veneris) tous dits « de Vénus ». Mais de son anatomie divine, la nomenclature a gardé une partie plus intime pour désigner une petite plante de talus, qui semble effectivement porter au centre de sa feuille, la trace d'un cordon ombilical : le nombril de Vénus.
Discrète et sauvage
Le nombril de Vénus (Umbilicus rupestris) est une plante succulente sauvage saxicole qui pousse essentiellement sur les murets et les rochers. Comme les sédums ou les joubarbes, C'est une habituée des supports verticaux, auxquels elle s'accroche acrobatiquement, dans une frugalité d'eau et de nutriments remarquable. Si elle est capable de supporter les sécheresses et les privations, c'est à la condition quasi exclusive de bénéficier d'une exposition ombragée ou au moins, d'être bien orientée vers le nord.
Traits de caractère
Le nombril de Vénus se rencontre à l'état sauvage dans une large moitié ouest du pays, dans le Massif Central et l'arrière-pays méditerranéen. On le dit exclusivement inféodé aux sols acides, mais ceux qui l'ont croisé dans les terres calcaires du Midi en doutent un peu. Ses feuilles rondes, parfois crénelées, très charnues et creusées, sont dites peltées, c'est-à-dire portées par un pétiole qui s'insère en leur centre. Elles sont remplies de mucilage, une substance gélatineuse qui fait la particularité des plantes succulente et qui, dans le cas du nombril de Vénus, a des propriétés vulnéraires qui aident à la cicatrisation des plaies et des blessures.
Miam, c'est bon !
Le nombril de Vénus est une plante comestible, même si ce n'est pas par son goût qu'elle brille le plus, mais plutôt par sa texture. En effet, le mucilage rend la feuille croquante, rafraîchissante, juteuse et fondante, à l'instar de la chair de concombre. En outre, elle est riche en oméga 3, antioxydants, vitamines, fer, calcium et autres minéraux. Enfin, ses feuilles rigides et creusées forment de parfaits canapés pour la présentation des mousses apéritives (tarama, houmous, etc.).
Une salade en hiver
L'autre intérêt de la plante, c'est son cycle décalé, puisque les feuilles qui commencent à apparaître au mois d'octobre restent en place jusqu'au printemps, offrant aux cueilleurs la plus croquante des salades d'hiver. Afin que les feuilles gardent tout leur intérêt, il est important de cesser les prélèvements à partir du mois de mai, quand les fleurs apparaissent en clochettes pendantes sur une petite tige dressée. En effet, leur goût devient plus amer et leur texture s'assèche.
Séquence introduction
Si vous n'avez pas la chance de bénéficier de la présence spontanée du nombril de Vénus dans votre jardin, rien ne vous empêche de l'y introduire. Deux solutions s'offrent à vous, le semis ou la bouture, sachant que comme pour toutes les plantes succulentes, la première alternative est très lente et requiert plusieurs années avant d'obtenir une touffe digne d'être prélevée. La seconde en revanche, qui s'effectue par la technique du bouturage de feuille, donne des résultats beaucoup plus rapidement. À planter au pied d'un tas de pierre orienté au nord.
Une cueillette de lève-tard
Les feuilles cueillies tôt le matin sont souvent très acidulées, car comme toutes les plantes succulentes, le nombril de Vénus se gorge d'acide malique durant la nuit afin de boucler un cycle photosynthétique crassuléen un peu particulier. Mieux vaut donc attendre quelques heures après le lever du soleil.